Pendant près de deux décennies, l’auteur a étudié les mœurs culinaires et le régime alimentaire des villageois de la région d’Angkor (en particulier la région de Roluos), les documentant par des notes de terrain et des photographies.
Ses découvertes démontrent la continuité historique de la cuisine cambodgienne depuis les temps anciens, le caractère définitivement rural et végétal de l’alimentation cambodgienne, et combien l’apparente simplicité de la nourriture villageoise répond avec justesse aux besoins nutritionnels et gustatifs.
Loin de se vouloir un recueil de recettes de cuisine, ou de développer une approche « structuraliste » de la société agraire cambodgienne, l’essai traite de « situations culinaires » : Quand, où, par qui, comment et dans quel but les aliments cuisinés étaient et sont encore préparés dans le contexte des villages proches d’Angkor Wat.
La recherche englobe les techniques de pêche et de chasse, les compétences agricoles, le moment et le lieu des repas, les méthodes de cuisson, l’utilisation des épices -- assez limitée, même si le poivre cambodgien est loué dans le monde entier --, les occasions spéciales, ainsi que des considérations linguistiques et historiques.
La réflexion de l’auteur sur l’influence (surprenante, pour de nombreux chercheurs) limitée, voire inexistante, de la cuisine indienne sur le régime et les goûts du Cambodge rural est particulièrement intéressante, tandis que le « goût de la nourriture chinoise » informe les repas de fête, en tant que symbole de richesse matérielle et de prospérité.
Au cœur de l’alimentation rurale, on trouve le somla (ragoût), que l’auteur présente en deux catégories principales, le somla mchou (« ragoût aigre ») et le somla prohoc (le mot prohoc définissant ici le goût « stimulant » donné par les herbes et les feuilles, à ne pas confondre avec le prohok, la célèbre préparation de poisson fermenté). Quant aux techniques de cuisson, l’auteur définit par exemple le chha kdao, littéralement « sauté à chaud », frit dans un liquide de cuisson chaud, et le p-krek, terme imitant le bruit sec des ingrédients juste chauffés dans une poêle sans liquide ni matière grasse, « cuits à sec », technique utilisée notamment pour les fourmis.
La symbolique des ingrédients est également explorée en profondeur. Par exemple, l’auteur note que la citronnelle, bien que très utilisée, est rarement conservée dans la présentation finale du plat, car les villageois pensent que les touffes vieillissantes de l’herbe aromatique peuvent être habitées par des esprits maléfiques.
À propos de l’auteur
Ang Choulean អាំង ជូលាន (1er janvier 1949, Kompong Kleang, Cambodge) est un anthropologue, professeur d’anthropologie historique à l’Université royale des beaux-arts et ancien directeur du département de la culture de l’APSARA. Il a été le deuxième ressortissant cambodgien à recevoir le Grand Prix de Fukuoka en 2011.
Avec l'aimable autorisation d'Angkordatabase
Comments