Le pari diplomatique de Donald Trump : un accord de paix historique entre la Thaïlande et le Cambodge au cœur du sommet de l’ASEAN 2025
- La Rédaction

- 19 oct.
- 3 min de lecture
L’image du président Donald Trump aux côtés des Premiers ministres Hun Manet et Anutin Charnvirakul, prévue lors du 47e sommet de l’ASEAN, ne saurait masquer la complexité des enjeux qui traversent la paix entre le Cambodge et la Thaïlande. Ce geste spectaculaire s’inscrit au cœur de dynamiques bien plus vastes, où se mêlent aspirations nationales, luttes d’influence internationales et fragilités économiques profondes.

Les dessous géopolitiques d’une médiation américaine
La crise de juillet 2025 entre Bangkok et Phnom Penh a mis au jour la redéfinition des rapports de force dans la région. Elle témoigne de la compétition aigüe entre la Chine et les États-Unis, désormais omniprésente au sein de l’ASEAN. Pour les diplomates, la paix vue par Trump n’est pas désintéressée :
« L’initiative américaine vise à préserver la stabilité d’une zone clef pour le commerce mondial tout en contrecarrant les ambitions chinoises de l’axe Bangkok-Phnom Penh-Vientiane », analyse un politologue interrogé par Le Monde.
Quand Washington s’affiche en héros pacificateur sous l’impulsion de Trump, c’est aussi pour restaurer une image internationale ébranlée par le retour au protectionnisme, la défiance envers le multilatéralisme et le retrait de nombreux accords durant son premier mandat. Cette stratégie fait écho aux doutes qui agitent l’ASEAN sur sa cohésion interne et sa capacité à garder une voix forte dans un monde multipolaire.
Paix fragile : les intérêts économiques à l’épreuve
Les conséquences humaines du conflit sont considérables, mais son onde de choc est aussi économique. Près de 500 000 travailleurs cambodgiens étaient employés en Thaïlande avant les hostilités ; la fermeture de la frontière, combinée au boycott des produits thaïlandais sur le marché cambodgien, a fragilisé le tissu social des deux pays. La chute du tourisme frontalier, la paralysie de projets d’infrastructure majeurs (y compris ceux financés par la Chine) et la perturbation des chaînes d’approvisionnement agricoles et industrielles ont coûté des milliards de dollars.
L’accord de paix, assure Hun Manet, « doit ouvrir une nouvelle période d’intégration économique sud-asiatique, restaurer la confiance des investisseurs et assurer la sécurité alimentaire des populations ».
Mais la presse spécialisée pointe le risque d’effets pervers : la résurgence de nationalismes économiques, l’émergence de circuits informels frustrant à terme la normalisation, et la persistance d’intérêts occultes parmi les réseaux militaires et économiques, surtout du côté thaïlandais.
L’ASEAN à la croisée des chemins
Le sommet de Kuala Lumpur revêt un enjeu de légitimité pour toute l’ASEAN, confrontée à l’imprévisibilité américaine et à la montée des vulnérabilités internes. Trump, fidèle à sa doctrine transactionnelle, prône les accords bilatéraux et tend à affaiblir les cadres multilatéraux que l’ASEAN s’efforce de renforcer depuis deux décennies. Nombre d’analystes redoutent donc que ce succès diplomatique, s’il demeure isolé, ne creuse davantage les divisions et ne rende l’ASEAN plus vulnérable aux chocs extérieurs.
Un diplomate malaisien conclut, dans Le Grand Continent, que « la stabilité régionale ne pourra être garantie que par la construction patiente de compromis et le respect des spécificités nationales, non par le seul effet d’annonce d’un accord de paix médiatisé ».
Entre tensions persistantes et chemin de réconciliation
Malgré les annonces, les risques de résurgence de la violence demeurent réels. Les réseaux criminels transfrontaliers, la présence de mines, les rancœurs nationalistes et les intérêts économiques privés — notamment autour des casinos frontaliers et de la main-d’œuvre — pèsent sur le long terme. Les populations, premières victimes, restent dans l’incertitude : des milliers de déplacés peinent à regagner leur foyer malgré la signature prochaine du “Kuala Lumpur Accord”.
La réussite de la médiation américaine, aussi spectaculaire soit-elle, sera donc évaluée à l’aune de sa capacité à générer des bénéfices durables, à stabiliser la région et à surmonter, au-delà de la fenêtre médiatique, les tensions structurelles.
Comme le résumait un conseiller de l’ONU, « la paix n’est pas qu’un traité, c’est un processus vivant d’ajustements, de concessions et de volonté partagée ».
Ce dossier s’appuie sur l’analyse croisée des principaux acteurs régionaux, de sources institutionnelles et de la presse diplomatique francophone et internationale pour donner au lecteur la mesure des enjeux qui se jouent bien au-delà de la seule signature d’un accord de paix.







Commentaires