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Histoire & Témoignage : Bopha Sayavong et la fuite vers la liberté

Pendant six années, les seuls luxes dont Bopha Sayavong a rêvé étaient la paix, la sérénité, la nourriture et un toit. Ce n’est qu’en arrivant à Little Rock, dans l’Arkansas, en tant que réfugiée du Cambodge communiste, le 31 octobre 1981, qu’elle a imaginé les luxes que pouvaient lui procurer la liberté. Mais même à son arrivée aux USA, la vie n’a pas été facile. « Nous avons tout construit, petit à petit », souligne Bopha, aujourd’hui âgée de 61 ans.

Bopha Sayavong
Bopha Sayavong dans un camp de réfugiés. Photographie fournie

Bopha Sayavong a survécu aux quatre années passées dans les camps de travail créés par le régime oppressif des Khmers rouges, entre 1975 et 1979, alors qu’elle était adolescente.

« Quittez vos maisons et revenez dans trois jours ! »

Une fois que les communistes ont pris Phnom Penh, la capitale du Cambodge en avril 1975, ils ont donné l’ordre aux habitants d’évacuer la capitale.  Bopha Sayavong, qui s’appelait alors Bopha Huot, avait 13 ans. Pendant qu’il était dans l’armée cambodgienne, avait participé à l’entrainement des Américains durant la guerre du Vietnam. Sa famille était alors considérée comme faisant partie du bas des échelons de la classe supérieure.

« L’évacuation était censée durer trois jours, ‘’quittez vos maisons et revenez dans trois jours’’. Mais, en fait, c’était une fausse déclaration. C’était un mensonge du régime communiste pour que les gens quittent leur maisons », explique Bopha.

Durant les quatre années durant lesquelles les Khmer rouges ont « régné », le gouvernement possédait toutes les ressources, la monnaie n’existait même plus.  Bopha Sayavong, explique qu’elle a été séparée de sa famille durant l’évacuation, tous les Cambodgiens étant répartis dans des groupes selon leur âge, leur sexe et leur situation matrimoniale.  Il lui faudra patienter quatre ans pour enfin retrouver les siens.

« Tout le monde est égal, personne n’est plus riche qu’une autre, personne n’est pauvre… C’était ça leur idéal », souligne-t-elle à propos des socialistes et des communistes.

« Cela semble séduisant, non ? Mais ce n’était pas vrai, le gouvernement possédait tout. Aussi, devinez qui était le plus riche ? Le gouvernement »

Message à la jeunesse

« Les jeunes de la génération millénium n’ont aucune idée de ce qu’est le communisme. Et, je vis aujourd’hui aux USA. Il y a une chose que je peux vous dire, il n’y a rien de comparable aux USA », ajoute-t-elle « les gens pensent que le communisme est quelque chose de merveilleux, de fantastique. Mais ce n’est pas vrai. C’est comme une belle façade. Ça a l’air fantastique. Mais quand vous le vivez, alors vous le découvrez ».

«Cela me fait de la peine rien que de penser que nos enfants pourraient aller dans ce sens », ajoute-t-elle « je crois en l’égalité. Moi aussi, je ne veux pas de riches, pas de pauvres. Tous égaux. Mais en tant qu’être humain, pensez à ceci : si le gouvernement vous dit quoi faire, comment manger, comment respirer, comment peut-on parler d’égalité ? Ces gens sont au-dessus de vous ».  Près de deux millions de Cambodgiens ont perdu la vie, entre 1975 et 1979, au nom de la promesse du régime des Khmers rouges de Pol Pot, de créer un monde égalitaire.

La vie dans les camps

« La vie durant le régime de Pol Pot était terrible et personne n’avait l’estomac rempli dans les camps de travail », se souvient la réfugiée « au début, ils vous donnaient une portion raisonnable de nourriture, mais elle n’était jamais généreuse. Et, il était hors de question de réclamer plus de nourriture, encore moins de la viande ou des légumes. La seconde année, vous avez de moins en moins de quoi manger. La troisième année, vous avez encore moins. Et vous arrivez alors à une situation où la nourriture se résume à une cuillère à soupe de riz, par jour.  C’était la nourriture pour la journée ! Nous étions affamés, nous mangions de l’herbe et des légumes sauvages. Et ce n’était pas l’herbe que l’on donne aux vaches. Nous mangions tout ce que la végétation avait à offrir. Nous goûtions la plante pour savoir si elle était comestible et nous la mangions. Notre estomac n’est pas préparé à digérer ces plantes. Aussi, la majorité des gens étaient malades. L’eau n’était pas traitée et sale ».

La malnutrition était si importante que Bopha Sayavong déclare qu’elle ne pouvait plus voir durant la nuit car ses yeux étaient affectés par le manque de vitamines et de minéraux nécessaires à une bonne vision.

« Si vous ne pouviez pas travailler, alors ils décidaient de vous éliminer »

Il n’y avait pas de montre dans son camp de travail. Les ouvriers devaient commencer quand le soleil se lever et terminer leur journée quand il se couchait. Elle dit avoir travaillé tous les jours dans les champs afin de rester en vie.  « Vous vous leviez le matin et alliez travailler… », précise-t-elle « et si vous ne pouviez pas travailler, alors ils décidaient de vous éliminer car vous gaspilliez alors leur nourriture et leurs réserves.

Ils voulaient que tous soient égaux

Ils vous demandaient alors de travailler dans les champs, de construire un village, de faire pousser le riz, de cultiver car pour eux -stupides qu’ils étaient- pour être « égal », vous deviez commencer sur un pied d’égalité. Aussi, tout le monde commençait par faire la même chose. Ils ont abandonné les usines, les fermes d’élevage et toutes ces choses. Tout le monde devait débuter au même niveau. Sauf eux… Tout le monde mais pas eux ! Ils ne travaillaient pas, ils vous géraient.

« Vous savez, j’ai prié toutes les nuits, aussi bête que cela puisse paraître », ajoute Bopha « je ne savais pas quel dieu prier à cette époque. J’espérais juste que j’allais m’arrêter de respirer avant que ne vienne le matin car c’était tout simplement insupportable. Tous les jours, j’ai demandé à Dieu de m’emmener car j’étais prête. Mais non. J’ai continué à me réveiller. Je ne m’éteignais jamais ».

Bopha Sayavong
Bopha Sayavong, son époux et ses deux filles. Photographie fournie

La liberté retrouvée

Avec la chute des Khmers rouges et la fin des camps de travail, Bopha Sayavong s’est enfoncée dans la jungle à la recherche de sa mère, de son frère et de sa sœur. Son père était mort dans un camp.  Dans la jungle, sa sœur a découvert un jeune garçon recouvert d’un poncho pour se protéger de la pluie. Il s’est avéré que c’était Tom, un ami de la famille avant que les communistes ne prennent le pouvoir et ne séparent tout le monde.

« Tom avait dix ans quand sa famille a disparu dans un camp de travail », souligne Bopha dont la famille a adopté le jeune garçon.  Pour survivre, elle a passé l’année qui a suivi la chute des Khmers rouges à faire de la contrebande de nourriture à la frontière avec la Thaïlande. Un jour, un groupe d’Américains avec « une petite croix rouge sur leur bras » sont venus la secourir.

La Croix Rouge Américaine a ouvert des camps de réfugiés en Thaïlande afin d’accueillir les Cambodgiens qui fuyaient leur pays. Après deux ans dans le camp de Khao-I-Dang, la famille est transférée dans un autre camp, aux Philippines, où elle a alors trouvé un citoyen américain, qui l’a parrainée.  Enfin, elle se sentit en sécurité

Bopha Sayavong s’est alors engagée dans un processus d’immigration qui lui a permis, avec sa famille, de rejoindre Little Rock. Avec l’aide de l’église locale, elle a appris l’anglais, a décroché un emploi dans une fabrique qui la payait 3.25 dollars de l’heure et a obtenu son GED certificate (examen de niveau high school aux États-Unis). Aujourd’hui, elle travaille comme pharmacienne dans le sud de l’Illinois.  Elle est mariée depuis 1984 à Patrick Sayavong, un réfugié venu du Laos rencontré dans une église baptiste, dans l’Arkansas. Ils ont deux filles, Sarah 30 ans et Nicole, 22 ans.  « Il y a du chagrin et il y a eu des malheurs mais cela fait partie de la vie».

Avec l’aimable autorisation de THE DAILY SIGNAL – Texte en anglais ici 

Traduction par Fabrice Barbian – Pour des raisons de lisibilité, le texte a été raccourci

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