Cambodge : Fraude et travail forcé , l’affaire Prince Group secoue la criminalité transnationale
- La Rédaction

- 15 oct.
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Le 14 octobre 2025, une révélation judiciaire majeure a secoué Phnom Penh et la scène internationale : le président du géant cambodgien Prince Group, Chen Zhi, a été formellement inculpé aux États-Unis pour avoir orchestré un réseau tentaculaire de fraude aux cryptomonnaies reposant sur des camps de travail forcé au Cambodge.

Ce dossier révèle un système de criminalité transnationale mêlant escroquerie, traite des êtres humains, torture et blanchiment d’argent, avec un impact mondial estimé à plusieurs milliards de dollars.
Une fraude aux cryptomonnaies sans précédent
Chen Zhi, 38 ans, est accusé par le bureau du procureur fédéral de Brooklyn d’avoir dirigé via Prince Group un empire de fraude gigantesque basé sur le stratagème appelé "pig butchering" (littéralement « engraissement du cochon »). Ce stratagème consiste à nouer de fausses relations par réseaux sociaux pour convaincre les victimes, souvent aux États-Unis et dans le monde entier, d’investir en cryptomonnaies dans des plateformes fictives. Les victimes se voient appâter par l’affichage frauduleux de profits avant que leurs fonds soient entièrement détournés.
Selon les documents judiciaires, les camps de travail forcé exploités par Prince Group comprenaient au moins dix sites sécurisés par de hauts murs et des barbelés, où des victimes étaient retenues contre leur gré. Ces soldats de la fraude étaient forcés de passer des appels automatisés coordonnés par des milliers de téléphones mobiles, diffusant des centaines de milliers de faux profils sur les réseaux sociaux pour attirer les victimes.
Ces centres hébergeaient notamment des « fermes à téléphones » comptant jusqu’à 1 250 appareils, coordonnant plus de 76 000 comptes sociaux afin de multiplier les interactions frauduleuses. La fraude générerait quotidiennement plus de 30 millions de dollars, selon un complice présumé.
Travail forcé, torture et extorsion
Au-delà de la fraude, le dossier révèle les conditions inhumaines infligées aux travailleurs forcés, qui vivaient dans des dortoirs surpeuplés, isolés, soumis à la violence physique et sous menace constante. Des photographies divulguées montrent des blessures graves, des hommes liés par les mains au sol, et des marques de flagellation laissant entrevoir un régime de terreur.
Les procureurs mentionnent également que Chen Zhi contrôlait personnellement et ordonnait au moins certains actes de violence pour maintenir la discipline au sein des camps. Les travailleurs pressurisés étaient contraints d’attirer à leur tour de nouvelles victimes, perpétuant ainsi le cercle vicieux du crime.
Un réseau tentaculaire
Le Prince Group, multinationale basée à Phnom Penh, aurait étendu ses ramifications à plus de 30 pays. Sous la houlette de Chen Zhi, il a créé une myriade de sociétés écrans, holdings et filiales à travers le globe, permettant de mêler les revenus illicites à l’économie légale, selon le département américain du Trésor.
En plus des accusations de fraude et de travail forcé, le dossier souligne les liens de corruption au plus haut niveau, avec des pots-de-vin versés à des fonctionnaires pour éviter les enquêtes pénales. Parmi les dépenses somptuaires financées avec les fonds frauduleux figurent des biens de luxe, des montres rares, des yacht millonaires et des propriétés immobilières, notamment au Royaume-Uni où plusieurs actifs de la famille dirigeante ont été gelés.
Une opération historique : saisie de 15 Milliards de dollars en Bitcoin
Marquant un coup judiciaire sans précédent, les autorités américaines ont saisi environ 127 000 bitcoins, d’une valeur évaluée à près de 15 milliards de dollars, plates-formes virtuelles obtenues par la fraude orchestrée par la société.
Cette saisie est la plus importante jamais réalisée dans l’histoire du département de la Justice des États-Unis. Elle témoigne de l’ampleur exceptionnelle et de la sophistication du réseau criminel, qualifié de « l’organisation criminelle transnationale la plus étendue d’Asie » par les autorités.
Réactions et conséquences internationales
Les États-Unis, en coopération avec le Royaume-Uni, ont également imposé des sanctions économiques majeures contre Chen Zhi, sa famille, et plusieurs entités associées au Prince Group. Des gels d’avoirs et interdictions de voyage ont été appliqués sur des biens et propriétés, tandis que des appels à une vigilance renforcée sont lancés pour contrer l’essor des fraudes cryptographiques dans la région.
Cette affaire met en lumière une tendance alarmante : le recours accru à la technologie pour exploiter des personnes vulnérables via des escroqueries en ligne dans des camps de travail forcé. Les autorités estiment qu’au moins 100 000 personnes sont actuellement exploitées dans ces conditions en Asie du Sud-Est, notamment au Cambodge, au Myanmar, en Thaïlande, au Laos et aux Philippines.
Un Combat long et complexe
Le FBI et le ministère de la Justice américains envisagent cette opération comme une étape décisive dans la lutte contre le crime organisé informatique, mais soulignent également la difficulté à démanteler ces réseaux, où les dirigeants restent souvent insaisissables.
Le président du Prince Group, Chen Zhi, reste introuvable et fait l’objet d’une recherche active au niveau international. L’affaire révèle aussi, hélas, l’envers sombre de la mondialisation où la technologie et la criminalité fusionnent pour exploiter sans précédent des milliers de personnes.
L’inculpation de Chen Zhi et la démolition judiciaire de l’empire Prince Group marquent un tournant décisif dans la lutte mondiale contre les cyberfraudes à grande échelle et l’exploitation humaine qui les alimente. Ce scandale rappelle la nécessité impérieuse d’une coopération internationale renforcée pour décrypter et casser ces réseaux criminels transnationaux qui prospèrent au détriment des victimes et des économies du monde entier.
Sources : Département de la Justice des États-Unis, Trésor américain, BBC, Bloomberg, CNN, ABC News, FR24, TRM Labs, MLex, Chainalysis, Kiripost, Washington Post, CNBC.







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