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Festival Photo de Phnom Penh : Découvrir les artistes avec Christian Caujolle, directeur artistique

Affirmer l’importance d’auteurs internationaux qui développent des œuvres à portée universelle et permettre à de tous jeunes de s’exprimer enfin a été, dès le début, au centre des programmations de Photo Phnom Penh.

Christian Caujolle, directeur artistique
Christian Caujolle, directeur artistique du Festival Photo de Phnom Penh depuis sa création

C’est ainsi qu’une réflexion savante et joyeuse sur le paysage déroulée avec Elina Brotherus sur le mur de l’Ambassade de France dialogue, de fait, avec les propositions de deux tout jeunes Cambodgiens dans la galerie de l’Institut français. Et le parcours poétique de FLORE sur les traces de ce qui fut l’Indochine de Marguerite Duras se confronte au témoignage en noir et blanc de Dana Langlois sur un Phnom Penh disparu, dont elle fut une des premières à côtoyer et soutenir les artistes.

Toutes ces propositions sont aussi une belle démonstration d’une intelligence de la photographie qui s’est construite au fil des ans alors que le festival mobilisait de plus en plus de jeunes et de bénévoles.

« Une photographie qui n’est plus conçue comme seul témoignage sur le réel ou preuve, mais comme mode de questionnement profond »

Aussi bien du temps, des identités, de la mémoire, entre autres. Un mode de questionnement qui ne cherche pas de réponse, mais à éveiller en chacun de nous une attitude critique, au meilleur sens du terme, face au monde.

Grâce au soutien de la Délégation de l’Union européenne, les photographies vont à nouveau traverser la capitale au dos des tuk-tuks pour une exposition itinérante qui, durant un trimestre, proposera des surprises dans l’espace public. Tout le monde a droit à l’accès à l’art et le mérite.

Une fois encore, le festival ne saurait exister sans les artistes. En ces temps difficiles, ils sont une forme d’espoir, non une solution, mais une merveilleuse et indispensable petite flamme que nous aidons à partager. Découvrons les exposants :

FLORE (France/ Espagne), L'odeur de la nuit était celle du jasmin, Galerie IFC

Sur les traces des textes de Marguerite Duras en ancienne Indochine, FLORE nous entraîne dans une fiction nouvelle, celle qui combine avec subtilité mémoire et expérience des lieux, littérature et visions. Il ne s'agit en rien d'illustrer des textes mais :

« tout en rendant hommage à un auteur essentiel, de proposer un univers dans lequel images mentales et expérience du paysage et des espaces marqués par le temps reconstruisent le monde »

Le temps semble interrompu et tout invite à la contemplation, à une forme de lenteur qui trouve sa place sur les rives du Mékong. Le traitement des tirages, qui fait appel à un grand savoir-faire nourri de connaissance des techniques anciennes, permet de restituer parfaitement une ambiance plus qu'une géographie. Un beau voyage littéraire, doux et subtil.

Oeuvre de FLORE. PPP
Oeuvre de FLORE. PPP

Née en 1963, FLORE est une artiste photographe franco-espagnole qui vit et travaille actuellement à Paris. Après avoir travaillé durant 10 ans pour la presse nationale, elle se consacre exclusivement à son travail personnel depuis 2008.

Par des interventions techniques raffinées au laboratoire, en alchimiste môme, FLORE façonne tout autant qu'elle restitue le monde qui se déploie sous ses yeux pour en faire des images uniques qui s'éloignent de la réalité photographique conventionnelle. Elle enseigne régulièrement, a exposé au niveau international et est lauréate du Prix Nadar 2020 pour « L'odeur de la nuit était celle du jasmin ».

Yousos Apdoulrashim (Cambodge), Rond-points, 2020-2021, Mur de la Médiathèque de l'Institut français

L'homme a toujours rêvé de voler, à la fois pour acquérir une liberté dont les oiseaux lui montrent l'exemple, mais également pour voir le monde autrement, le surplomber, en avoir une autre perception. S'ils ne nous permettent pas de nous envoler, les drones nous donnent, de façon beaucoup plus aisée que ce que permettait l'exercice à partir d'un avion, de réaliser ces vues aériennes qui changent totalement la vision de l'espace et de la géographie.

Oeuvre de Yousos Apdoulrashim
Oeuvre de Yousos Apdoulrashim. PPP

Les ronds-points sont, partout dans le monde, perçus comme une modalité du progrès. Vus à la verticale, ils sont d'abord un autre graphique, une autre organisation de formes. Qui, sur la base commune d'un grand cercle, permet des variations, l'ajout de pointes, des jeux de matières et de teintes, des structures décoratives géométriques.

« Les automobiles deviennent des jouets rythmant l'espace autour du rond-point »

On peut parfois apercevoir, grâce à l'ombre portée, la présence d'un piéton et, toujours en scrutant l'ombre, essayer de deviner quelle statue marque le centre de la construction. Et l'on peut constater que, au tout début, il n'y a qu'un cercle de terre ocre.

Né en 1993 dans la province de Kompong Cham, Yousos Apdoulrashim a obtenu en 2017 son diplôme de marketing à la Norton University de Phnom Penh. Il travaille depuis 2013 dans le groupe de The Phnom Penh Post où, depuis 2019, il occupe les fonctions de cameraman. Il pratique la photographie pour son plaisir et réalise en 2020 sa première série construite, celle sur les rond-points, en suivant la formation de Philong Sovan au Studio Images de l'Institut français du Cambodge.

Kleng Bonreach (Cambodge), L'ombre de mon père, 2020, Galerie de l'Institut français

Alors qu'elle venait d'obtenir son diplôme à l'université, Bonreach a perdu son père, emporté par une leucémie. Un immense vide, dévastateur pour toute la famille. La jeune femme a revêtu les vêtements que portait son père, tout à la fois pour honorer sa mémoire, apporter une forme de réconfort à sa mère, matérialiser une présence disparue.

Oeuvre de Kleng Bonreach
Oeuvre de Kleng Bonreach. PPP

A la fois travail de deuil, réincarnation métaphorique, rituel de partage, la série se construit comme un parcours sur les lieux qui étaient ceux que parcourait le père, ceux où il travaillait, ceux qu'il aimait. La couleur est toujours sans effet, sans trop d'intensité et de petites séquences restituent le parcours de la lumière ou l'avancée de Bonreach, pieds nus, dans le pantalon de toile bleue de son père.

« Peu importe où est aujourd'hui le père disparu, il est toujours là pour sa fille, il est là comme la permanence de son ombre »

Née en 1995 à Battambang, Bonreach a poursuivi sa maîtrise en éducation tout en travaillant comme enseignante dans une école publique de Phnom Penh. La photographie l'aide à se connecter avec l'humain et la nature, lui permet d'exprimer son émotion et devient une forme de détente par rapport à son métier. Cette série, résultat de sa participation à l'atelier organisé par Photo Phnom Penh Association avec Philong Sovan, est première expérience photographique sérieuse, et a remporté la Mention spéciale dans la catégorie Still Image pour l'exposition virtuelle Julius Baer Next Generation Art Prize à Singapour.

Elina Brotherus (Finlande), Mur de l'ambassade de France au Cambodge

Comme l'art est aujourd'hui le seul domaine dans lequel on accepte que des adultes s'amusent, elle ne s'en prive pas. C'est en tout cas ainsi que l'artiste finnoise, qui pratique depuis un quart de siècle l'autoportrait mis en scène, généralement seule, mais parfois accompagnée de son chien ou, plus récemment de complices, présente sa démarche. Elle construit tout avec une belle prise de distance qui n'empêche nullement une vision poétique, entre autres dans les paysages de sa Scandinavie natale ou de sa Bourgogne d'adoption.

Oeuvre d'Elina Brotherus
Oeuvre d'Elina Brotherus. PPP

Le paysage, aux différentes saisons, devient un décor à la respiration ample, un paysage en écho à la peinture romantique - et à la peinture en général dont Elina a une belle connaissance - pour un corps libre, tour à tour dénudé ou vêtu de couleurs qui dialoguent avec celles de la nature. Elina Brotherus interroge aussi bien les codes esthétiques de la peinture que la notion de Beauté et va au-devant de questions sur la réalité et sa représentation.

« Travaux pratiques, bricolages, rêves et divertissements articulent une oeuvre dont la cohérence profonde n'enlève jamais l'indispensable légèreté. C'est rare, voire unique aujourd'hui »

Elina Brotherus est née en 1972 à Helsinki et partage sa vie et son travail entre la Finlande et la France. Avec la photographie et plus récemment la vidéo, elle explore le paysage émotionnel. Avec un langage pur, elle travaille sur sa propre personne à partir des événements de sa vie. Bien que ses autoportraits, jamais narcissiques, dominent son œuvre, ses paysages révèlent la nature de ses sentiments. Elle a exposé dans le monde entier, essentiellement en Europe.

Dana Langlois (USA), Dey Krahom (Terre Rouge), 2004, Centre Bophana

Dey Krahom raconte l'histoire d'une communauté unique d'artistes, d'interprètes et de musiciens qui vivaient dans ce quartier construit autour du Théâtre National et du White Building — célèbres bâtiments aujourd'hui disparus. Y vivaient 800 familles dans des maisons faites de bois et de métal de récupération, bâties sur des terres marécageuses qui avaient été remplies, il y a des décennies, avec la terre rouge typique du sol cambodgien.

Oeuvre de Dana Langlois
Oeuvre de Dana Langlois. PPP

Beaucoup étaient considérés comme des maîtres dans leur art. Survivants de la période khmère rouge durant laquelle 9 artistes sur 10 ont été exécutés, ils sont les gardiens des traditions culturelles du Cambodge et ont tout fait pour les transmettre. En 2004, Dana Langlois a passé des mois avec cette communauté pour capturer le portrait de ses habitants, dont les derniers sont partis en 2009. Un travail de mémoire, en noir et blanc, dans la tradition classique de la photographie documentaire.

Née en 1976, Dana Langlois fait des études de photographie et beaux-arts. Fascinée par la texture et les surprises liées à l'utilisation de la photographie argentique, elle se consacre à la photographie analogique en noir et blanc.

« Pour elle, la photo est un moyen d'explorer les vies et les histoires des autres, et permet de capturer ce qui fait notre humanité »

Arrivée au Cambodge en 1998, elle travaille depuis plus de 20 ans avec des artistes du Cambodge et de la diaspora, dans cette période d'intense créativité et de reconstruction qui a suivi la destruction tragique de l'identité culturelle du pays. Elle a fondé et est la directrice artistique de diverses initiatives dont le Java Creative Café, anciennement JavaArts (depuis 2000), où elle a produit des centaines d'expositions et programmes et a fait connaître un grand nombre des artistes cambodgiens d'aujourd'hui ; Our City Festival un festival national d'art et d'urbanisme (2008-2014) ; et Creative Generation, un concours et un incubateur pour de jeunes artistes (depuis 2017).

Exposition itinérante sur Tuktuk

Grâce au soutien de la Délégation de l'Union Européenne, le festival Photo Phnom Penh a pu une nouvelle fois s'exporter sur le véhicule le plus connu du Cambodge : le tuk tuk ! Pendant trois mois, au dos de 100 tuktuks, une exposition itinérante et mobile se déplacera dans les rues de la capitale, pour le plus grand bonheur de ses habitants, afin de faire circuler l'art dans la rue.

Le programme de l'exposition itinérante :

  • En octobre : Flore et Kavi Chhay

  • En novembre : Elina Brotherus et Kleng Bonreach

  • En décembre : Dana Langlois et Youssos Apdoulrashim

Texte et illustrations : IFC, Auteurs et Christian Caujolle




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