Michel-Cosme Bideau est l’auteur de Chaos Khmer, un roman coup de poing au style très polar paru aux éditions Transboréal. Il sera aujourd'hui de 11h à 12h à l’Institut Français pour une séance de dédicace.
Difficile de résumer la vie de Michel-Cosme, écrivain atypique, bourlingueur et passionné de voyage, l’homme aux mille vies aura aussi été la plume du » Maître » Gérard de Villiers pour sa série « Brigade mondaine ».
Michel-Cosme Bideau. Photographie éditions Transboréal
« Chaos Khmer » est probablement le livre témoignage qui devrait ravir le plus ceux qui ont vécu les années 90 au Cambodge, avec cette réputation sulfureuse et épique qui semble marquer à jamais cette époque. Le livre de Michel-Cosme Bideau est une peinture fidèle, imagée et parfois difficile de cette période transitoire d’un pays qui cherche à s’émanciper après les années noires et la confusion qui a suivi… Entretien :
CM : Quelle est la part d’autobiographie dans votre ouvrage, il y a de tels détails dans plusieurs scènes qui semblent très précis… ?
Je pourrais estimer la part d’autobiographie dans « Chaos khmer » a environ 50 %. Hélas… J’ai raté ce coup d’État, je suis arrivé juste après, et c’est de dépit que j’ai écrit ce livre, moi grand amoureux du Cambodge, en recueillant les témoignages de multiples Cambodgiens et Français qui eux étaient bien présents ou même y avaient participé. C’est évidemment dommage de n’avoir pas été présent au moment même de ces évènements, mais à présent je me dis que je n’aurais eu qu’un seul point de vue, et peut-être je serais resté dans ma chambre terrorisé, alors que là, très frustré, j’ai consacré une énergie tenace à réunir les récits des uns et des autres dans une vaste fresque, ce que je n’aurais peut-être pas fait autrement.
CM : Et dans les personnages, quelle part d’authenticité ?
50 % d’autobiographie aussi dans les personnages, Mahé par exemple existe, ainsi que ses parents et copines dans le livre. Les reporters de Cambodge-soir aussi, bien sûr, de même que mon fixeur (je le revois régulièrement), ou la bouleversante sourde Spin dont l’histoire et la fin tragique sont 100 % réel ; mais Zénon est un personnage composite élaboré à partir de plusieurs photographes de guerre que j’ai pu rencontrer ici ou ailleurs. Le chirurgien surhumain Carlos est inventé mais l’agence de Véra Hudchinson et ses convois de Mercedes étaient célèbres à l’époque dans le milieu des adoptants. Les Américains en général sont les plus imaginaires, ou croisés aux États-Unis, ou observés dans la mafia française pour le Grand méchant numéro un…
CM : Quels ont été les réactions des personnages que vous décrivez, en particulier ceux de la rédaction de Cambodge Soir ?
Les réactions des journalistes de Cambodge-soir ont été enthousiastes, surtout Pierre Gilette, pourtant affublé du pseudo imaginaire et peu flatteur de « Gargamel ». Il adore ce livre, il vit toujours à Phnom Penh et tient ses assises tous les soirs à la terrasse de l’Anise Hôtel, à l’angle de la 278 et de la 57. Là se réunissent autour de lui, vers 19 h, des intellectuels de haut niveau, expats français parlant khmer ou cambodgiens francophones, comme Olivier Vescovi ou Christophe… (son nom de famille m’échappe à cet instant), le génial traducteur de Soth Polin.
CM : Quel a été l’accueil de votre ouvrage en général ?
Chaos Khmer a été très bien accueilli au Cambodge, par Olivier Jeandel par exemple, le patron de la librairie Carnets d’Asie. Je sais qu’à la bibliothèque de l’Institut, il était réservé pour les prochains six mois lors de mon dernier passage à Phnom Penh. On devrait en parler encore très longtemps, il n’y a pas tant d’ouvrages que ça parlant des expats de Phnom Penh et publiés par un éditeur parisien. En métropole, son lancement a exactement correspondu, hélas, avec les élections présidentielles qui ont amené Emmanuel Macron au pouvoir, et a connu du coup une couverture médiatique et un retentissement plus diffus. J’ai néanmoins fait plusieurs signatures dans des librairies et salons spécialisés dans le voyage.
CM : Il y a beaucoup de nostalgiques de ces années ”far west”, en faites-vous partie ?
Bien entendu, je suis très nostalgique de cette inoubliable atmosphère de fronde enjouée qui régnait au Cambodge dans les années qui ont suivi le coup d’État. L’émeute, les pillages recèlent “je ne sais quelle force” (V.Hugo) qui marque à vie leur participation dans leur respect envers le pouvoir, cette imposture nécessaire. Et l’armement général conférait à chacun un pouvoir individuel, une liberté terrible, et pas si dangereuse (je n’ai jamais subi la moindre agressivité alors que je trainais dans les pires bas-fonds toute la nuit…).
CM : Revenez-vous souvent au Cambodge ?
Je reviens régulièrement au Cambodge, bien que j’ai été beaucoup en Birmanie ces dernières années (mais c’est terminé). J’étais à Phnom Penh pour le dernier Noël par exemple.
CM : Comment jugez-vous le Cambodge d’aujourd’hui ?
Bien entendu, et comme partout, le pays a beaucoup perdu de son pittoresque, mais le pittoresque c’est la misère des autres (Engels) et ce petit royaume reste passionnant à traverser, en moto par exemple. Le problème du Premier ministre, qui semble bien changer avec l’âge, avec peut-être quelques dérives qui ne sont pas si graves. Je tiens à préciser que Chaos khmer n’en dit d’ailleurs aucun mal véritablement méchant, au contraire, à mon sens… On souligne même qu’il s’agit à l’évidence du plus pertinent esprit politique de sa génération, et sans la liberté de blâmer il n’est pas d’éloge flatteur, n’est-ce pas ?
Propos recueillis par Christophe Gargiulo
Note de l’éditeur à propos de Chaos Khmer :
Exotisme, guerre et volupté… Les nuits vénéneuses de Phnom Penh voient s’affronter à armes inégales mœurs asiatiques et convoitise occidentale, tout aussi impitoyables. En enquêtant sur l’adoption par des étrangers de bébés prétendument orphelins, Michael Reynaud vivra là-bas trois folles journées : celles du coup d’État qui, en 1997, mit en place Hun Sen, l’autocrate indéboulonnable du Cambodge.
Le scribouillard candide court sous les bombes et va de surprises en révélations, passant des bas-fonds au luxueux milieu expatrié. Sur un rythme haletant, son enquête dévoile les rouages de la société khmère et explore la vie des reporters de guerre et la survie quotidienne des miséreux et des prostituées. Fiction à l’écriture incandescente, qui s’appuie sur des faits réels, Chaos khmer révèle la difficulté d’un amour durable entre des êtres que la culture oppose et fait la lumière sur la plus atroce exploitation Nord/Sud qui se puisse imaginer.
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