L’interdiction de jouer frappera-t-elle l’immobilier au Cambodge ?
C’est la question que beaucoup se posent après l’exode spectaculaire de ressortissants chinois qui a suivi la décision récente du Premier ministre d’interdire les jeux en ligne.

Casino à Sihanoukville. Photgraphie Christophe Gargiulo
Interdiction
Le chef du gouvernement a décidé le 19 août dernier de ne plus délivrer de nouvelles licences. Cela pourrait laisser supposer que l’afflux de capitaux et de visiteurs en provenance de Chine puisse ralentir dans les mois à venir.
Cependant, les experts de l’immobilier déclarent que ce phénomène, quelque part, contribuera à améliorer la qualité des investissements dans le royaume. De nombreux professionnels du secteur prétendent que l’industrie du jeu constituait l’une des raisons majeures pour lesquelles les investisseurs et les touristes chinois affluaient dans le pays au cours des dernières années.

Casino à Bavet
En effet, Sihanoukville au sud, Poipet, à la frontière thaïlandaise, et Bavet proche de la frontière vietnamienne sont sans doute les foyers principaux de cette croissance. Ces trois villes ont une industrie des casinos aujourd’hui bien implantée.
Motifs
Le Premier ministre Hun Sen a publié une directive qui suspend la délivrance de nouveaux permis de jeu sur Internet. La directive précise aussi que licences existantes ne seront pas renouvelées. La décision a été annoncée comme une tentative d’éliminer les affaires d’extorsion sur le web associées aux sites de jeu en ligne.
Une semaine seulement après la décision du 18 août, le ministère de l’Intérieur a expulsé 150 ressortissants chinois pour une escroquerie aux jeux d’argent en ligne organisée à Sihanoukville et à Bavet. Le préjudice total est estimé à 14 millions de dollars américains. Hier, 150 autres criminels chinois ont été arrêtés à Sen Sok, dans la banlieue de Phnom Penh pour des activités de jeux en ligne non autorisées.
Beijing a exprimé son soutien à l’interdiction, affirmant que la Chine était prête à travailler avec le Cambodge afin de prendre des mesures efficaces pour renforcer l’application de la loi.
Demande en baisse à Sihanoukville
Bien que le jeu soit interdit pour les citoyens cambodgiens, le royaume est devenu en quelque sorte une plaque tournante en Asie du Sud-Est. En effet, les étrangers sont autorisés à jouer et la destination Cambodge est devenue attractive, en particulier avec Sihanoukville qui cumule aujourd’hui les avantages d’une station balnéaire et d’une ville de casinos.

Parmi les nombreuses constructions de casinos à Sihanoukville
Des agents immobiliers à Sihanoukville déclarent que les prix des chambres dans les hôtels et les guesthouses de la région ont baissé depuis le mois dernier. Ils ne donnent toutefois pas de chiffres sur cette tendance.
Selon eux, le nombre croissant de ressortissants chinois arrivant dans la province de Preah Sihanouk suscitait des inquiétudes. Mais à présent, les gens s’inquiètent de leur départ. L’interdiction des entreprises de jeux en ligne aura également un impact sur l’immobilier dans les zones frontalières, en particulier les villes de Bavet et Poipet, qui comprennent principalement des casinos.
Agents immobiliers
Nuon Rithy, directeur général de l’agence Khmer Appraisal Foundation, avance que les expatriés chinois quittant Sihanoukville sont des travailleurs ou des joueurs en visite, et non des investisseurs. Cela a effectivement entraîné une baisse de la demande d’hébergement, de restauration et d’autres services.
M. Rithy affirme toutefois que d’autres domaines d’investissements dans le pays, tels que l’immobilier de résidence, la construction, le tourisme et les textiles, sont plus forts que jamais.
« La décision d’arrêter la délivrance d’une licence de jeu est une bonne stratégie pour filtrer les investisseurs. À long terme, cela profitera à l’économie du Cambodge. Je crois fermement que cette décision apportera des avantages et que la province de Sihanoukville deviendra une meilleure destination pour le tourisme et le commerce dans un proche avenir », avance-t-il.
Sihanoukville, Bavet et Poipet sont les principaux centres de l’industrie du jeu en ligne au Cambodge. Ces trois régions seraient toutes en train d’assister à l’exode des expatriés chinois.
Épiphénomène
Kim Heang, PDG de Khmer Real Estate Co Ltd, déclare que l’interdiction des activités de jeux en ligne au Cambodge aura une incidence sur les prix des terrains dans les trois villes.
Cependant, il suggère que cela ne sera qu’un épiphénomène et que le marché immobilier poursuivra sa croissance. Les parcelles vendues à Sihanoukville pour seulement 200 dollars le mètre carré il y a trois ans se vendent régulièrement à environ 3 000 dollars aujourd’hui.
« Sur le long terme, cette décision apportera de grands avantages à la macro-économie cambodgienne », indique l’agent immobilier.
Il avance pourtant que la décision est un peu rapide : « Le renouvellement des licences d’exploitation actuelles pour une année supplémentaire constituerait une meilleure solution pour tous », argumente-t-il.
Délais supplémentaires
« Je pense pourtant que la décision du gouvernement de refuser les nouvelles licences pour les entreprises de jeux en ligne est bonne pour la société. Toutefois, cela peut avoir des effets sur le climat des affaires au Cambodge. L’idéal serait que le gouvernement procède à un examen transparent de toutes les activités de jeu en ligne jusqu’à la fin de l’année ».
« Si une entreprise exerce en respectant la loi et paye ses impôts, elle devrait pouvoir renouveler son permis pour une année supplémentaire. Et d’ici le quatrième trimestre de 2020, le gouvernement pourrait réexaminer toutes les entreprises qui ont reçu des licences en 2019 afin de déterminer celles qui sont éligibles pour conserver leurs autorisations en 2021 et donner à toutes les parties le temps de se préparer », a-t-il déclaré dans une interview dans la presse locale.
Mouvements
Alors que les touristes et les investisseurs chinois continuent d’affluer au Cambodge à une cadence de 5 000 personnes quotidiennement, le porte-parole du département général de l’Immigration du ministère de l’Intérieur, Ath Bony, a déclaré qu’au moins 6 000 Chinois ont quitté le Cambodge chaque jour depuis que le Premier ministre Hun Sen a annoncé l’interdiction.
« Jusqu’à présent, départs et arrivées se font à un rythme relativement proche, les départs étant toutefois légèrement plus nombreux », indique Ath Bony.
En l’absence de statistiques précises, ceci lié au caractère récent de l’annonce gouvernementale, il est difficile de mesurer de façon exacte le pourcentage de départs d’investisseurs bien ou mal intentionnés.
De même, l’effet sur la fréquentation des hôtels est forcement perceptible, mais on ne parle là que d’une période d’un mois et les conclusions pourraient être un peu hâtives d’autant que les arrivées de visiteurs chinois ne faiblissent pas ou pas encore.
CG avec https://www.realestate.com.kh