Le Phnom Penh Photo Festival (PPPF), qui célèbrait en 2019 sa 10ème édition, organisait pour la première fois une exposition hors de la capitale. C’est la galerie siemreapoise Batia Sarem, qui avait été choisie pour accueillir 22 œuvres de 10 artistes cambodgiens.
Le public amateur de photographie se trouvant à Siem Reap eut de quoi assouvir sa passion. Outre les nombreuses galeries d’art qui consacrent régulièrement leurs murs à de talentueux photographes, la ville est aussi chaque année le théâtre du très réputé Angkor Photo Festival. Phnom Penh n’est pas en reste, puisqu’elle organise elle aussi un prestigieux festival dédié au 8e art. Désireux de faire bénéficier à la province une partie des œuvres exposées, les organisateurs avaient choisi de mêler la ville de Siem Reap aux festivités habituellement réservées à la capitale.
Fine fleur de la photographie cambodgienne
Les 22 photographies exposées reflétaient le dynamisme d’une discipline artistique qui, après avoir connu une profonde ellipse au cours des années 1970/1980, renaît de ses cendres avec une impressionnante vivacité. Représentant plusieurs générations de photographes issus de milieux très divers, cette exposition illustrait les préoccupations d’artistes dont beaucoup étaient présents lors de la soirée inaugurale.
Une photographie cambodgienne qui , à l'image du royaume, ne cesse de se renouveler
Au baromètre de la popularité, le photographe Mak Remissa semble avoir remporté le premier prix, à en juger par la foule se pressant autour de lui, réalisant les désormais incontournables selfies. Né en 1970, cet ancien photo-reporter fait office de figure tutélaire auprès d’une jeune génération particulièrement douée, dont les portes auront été en partie ouvertes grâce à son œuvre.
Trois de ses photographies étaient exposées, toutes issues de séries différentes, toutes porteuses d’une signification particulière. Aucune photo de l’exposition n’est d’ailleurs anodine, chacune revêtant un message social, environnemental ou humaniste. Christian Caujolle, directeur artistique du Phnom Penh Photo Festival, avait pris soin de sélectionner les œuvres les plus représentatives d'une photographie cambodgienne qui ne cesse, à l'image du royaume, de se renouveler.
Un illustre directeur artistique
Lors de son discours, Christian Caujolle a tenu à saluer les artistes qui l’accompagnaient, louant leur talent et les espoirs qu’ils suscitent. Cette reconnaissance acquiert une importance particulière lorsqu’il est prononcé par une personnalité telle que M. Caujolle.
Après avoir été l’élève et le collaborateur de Michel Foucault, Roland Barthes et Pierre Bourdieu, sa passion pour la photographie l’a mené à s'impliquer dans des publications telles que Libération ou Polka Magazine. Il participe aussi à la fondation de la célèbre agence VU, avant de s’illustrer en tant que directeur artistique des Rencontres Internationales de la Photographie d’Arles. Passionné par le Cambodge, il prend part à l'aventure du Phnom Penh Photo Festival, qu'il cofonde, et qui célèbre en 2019 ses dix ans d’existence.
Palette de talents
Les exemples sont nombreux, tant les œuvres exposées révèlent une photographie engagée et d’une rare perspicacité. En contrepartie, ces productions atteignent parfois un degré de complexité qui nécessite leur contextualisation. Si les artistes présents lors de la soirée inaugurale se sont chargé d'expliquer leurs travaux, les trois gérants de Batia Sarem s'engagent à prendre le relais pour guider les visiteurs tout au long de l'exposition. Martin Phéline, qui codirige la galerie, s'arrête ainsi devant les clichés de Pha Lina.
Sur l’un d'entre eux, un enfant fixe l’objectif, le corps entouré d'un mètre-ruban. « Cette photographie fait partie d’une série réalisée auprès des petits propriétaires du Ratanakiri, dont les terres se réduisent comme peau de chagrin, mètre après mètre, centimètre par centimètre ».
Toutes ces œuvres démontrent le degré de maturité de la photographie cambodgienne
Une autre image du même auteur montre un homme debout sur un arbre abattu, une cible masquant son visage. Il s'agit d'un trafiquant du précieux bois de fer, ou kro nhoung. Franchissant les frontières afin de transporter une marchandise qui sera ensuite revendue à prix d'or en Chine, ces petites mains risquent à tout moment d’être abattues par les gardes. Plusieurs d’entre eux ont déjà trouvé la mort en exerçant cette activité qui ne leur rapporte qu’une poignée de dollars. Toutes ces œuvres, qui démontrent le degré de maturité de la photographie cambodgienne, peuvent être admirées grâce au soutien actif de l’Union Européenne, très impliquée dans le déroulement du PPPF.
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