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Economie : La fin du régime TSA ? un désastre pour le village de Trach

Dernière mise à jour : 2 déc. 2019

La quasi-totalité des produits fabriqués au Cambodge entrent aujourd’hui dans l’Union européenne en franchise de droits.

La révocation éventuelle du régime de préférences  « Tout Sauf les Armes » serait un désastre pour les villageois de Trach tirant leurs revenus des usines de confection.

Kampong Speu – Cambodge

Trach est un village rural situé à la périphérie du district de Chbar Mon, dans la province de Kampong Speu, avec ses routes poussiéreuses et cahoteuses entourées de rizières et de palmiers. Ce village de la commune de Ka Haeng se trouve à quelques pas de la route nationale 4, qui relie Phnom Penh à Sihanoukville.

Krech Thon est à la maison alors que ses enfants et ses voisins se rassemblent pour prendre un verre. Des ouvriers, dont beaucoup sont employés du textile, sont rentrés chez eux pour célébrer Pchum Ben. Il est difficile de trouver un seul ménage à Trach qui n’ait pas au moins un membre de la famille, généralement le plus jeune, employé dans l’industrie du vêtement.

Accord commercial

Dépendant largement des usines de confection – directement et indirectement – le village de Trach sera, sans aucun doute, durement touché si l’Union européenne révoque l’accord commercial préférentiel dont le Cambodge bénéficie dans le cadre du programme Tout Sauf les Armes (TSA).

Rappelons que cet accord entre l’UE et le royaume permet l’exportation en franchise de droits de tous les produits, sauf les armes et les munitions, à destination des pays du bloc européen.

Conséquences

Sans ce statut, le Cambodge perdrait son accès préférentiel au marché européen qui, selon la Banque mondiale, absorbe 40% des exportations du pays. Si le Cambodge se voit retirer le régime d’exemption, les exportations vers les 28 pays membres seront soumises à un montant global de droits de douane évalué à 700 millions de dollars US par an (estimations du gouvernement cambodgien). La perte du statut TSA compromettrait également l’avantage concurrentiel stratégique dont jouit le Cambodge.

La décision européenne est attendue le 12 février 2020.

Krech Thon, résidente de longue date du village de Trach, est devenue vendeuse de produits alimentaires

Krech Thon, résidente de longue date du village de Trach, est devenue vendeuse de produits alimentaires


Changements

Krech Thon, résidente de longue date du village de Trach, a connu bien des changements au fil des années. « Les gens vivent aujourd’hui un peu mieux avec plus de maisons et de clôtures en briques, et…plus de jeunes qui boivent », confie-t-elle en riant.

Les quatre enfants de Krech Thon travaillent dans les usines de confection de Phnom Penh. Et, lorsque des usines sont apparues près du village, elle a commencé à vendre des plats préparés aux travailleurs.

« Grace aux usines, mes enfants ont un emploi et  j’ai moi-même une opportunité commerciale, et donc la possibilité de percevoir un revenu global plus élevé », indique-t-elle.

Svay Tem, le chef du village, confirme que 75% des 570 résidents du village travaillent dans les usines de confection, ou vendent des plats à leurs employés.

Débuts de l’industrie

Il y a dix ans, lorsque les usines de confection de vêtements et de bagages ont commencé à s’installer le long de la route nationale 4, Phan Sorphea a commencé à vendre des plats, notamment du poisson frit, du riz et des boulettes de viande.

« Je ne l’avais pas prévu, mais c’est maintenant ma principale source de revenus », déclare Phan Sorphea, 37 ans, ajoutant qu’elle gagne aujourd’hui entre 40 000 et 60 000 riels (10 – 12 $) nets par jour.

« J’aurais pu rejoindre les usines comme ouvrière, mais j’ai décidé de travailler à mon compte afin d’avoir assez d’argent à dépenser chaque jour. En tant qu’ouvrière, vous ayez un salaire à la fin du mois », ajoute-t-elle. « C’est une question de choix. »

Mais, comme presque tous les villageois de Trach, elle ne sait pratiquement rien de la possible révocation du TSA. Même Kong Sina, 52 ans, l’épouse du chef du village de Trach Svay Tem, n’est pas au courant des litiges entre le gouvernement cambodgien et l’UE.

Sur les cinq enfants du couple, quatre travaillent dans les usines, fabriquant des valises et des chaussures destinées à l’export vers l’Europe et l’Amérique. Kong Sina annonce qu’elle se concentre sur son entreprise, et qu’elle n’a aucune connaissance des affaires cambodgiennes actuelles, y compris l’enquête en cours concernant le TSA.

La vendeuse de produits alimentaires Kong Sina sort de sa cuisine du village de Trach

La vendeuse de produits alimentaires Kong Sina sort de sa cuisine du village de Trach


« Je ne vois que des camions transportant les produits emballés dans de gros conteneurs d’expédition, mais je ne sais pas où ils vont », précise-t-elle, ajoutant qu’elle comprend que les usines contribuent à la prospérité locale.

« Sans emplois dans les usines, et sans commerce annexe, nous retournerons à la culture du riz et à l’élevage du bétail pour gagner notre vie », ajoute Kong Sina. Cette dernière dépense 250 000 riel (environ 62,50 $) par jour pour préparer les plats qu’elle vend pour un total de 300 000 riel. (75 $) aux ouvriers d’usine.

« J’ai du mal à faire des bénéfices à présent avec la hausse des prix des denrées alimentaires. Mon activité ne me laisse qu’environ 50 000 riels (12 $) de profit par jour », explique Kong Sina. « Mais, c’est une activité peu contraignante. Je n’ai besoin que d’une table en bois et d’un grand parasol. »

« Cela nous aide beaucoup », ajoute-t-elle. « J’ai à présent suffisamment de revenus pour supporter les dépenses quotidiennes de mon ménage. »

Inquiet pour le statut commercial

Le chef de village, Svay Tem, se dit « inquiet » de ce qui pourrait arriver si le Cambodge perdait le régime TSA. Dans le pire des cas, les usines déménageront vers des pays plus compétitifs.  « Et, beaucoup de jeunes d’ici se retrouveront sans emploi », avance-t-il.

Krech Thon convient que, sans les usines, sa maison son ménage sera en difficulté. « Nous travaillons pour gagner de l’argent, et nous en avons besoin pour survivre », déclare-t-elle.

Elle craint de perdre son commerce et de voir ses enfants partir travailler ailleurs. Elle pense, comme les autres villageois, qu’il sera très difficile de remplacer leurs revenus actuels par un retour à leur métier traditionnel, l’agriculture.

Agriculture en difficulté

Au niveau national, l’économie cambodgienne s’est éloignée de l’agriculture. Le secteur ne représentait que 18,1% du PIB en 2018. À titre de comparaison, les chiffres de la Banque Nationale du Cambodge montrent que les secteurs de la fabrication et de la construction, ainsi que le secteur industriel, représentent 34,9% ; et le secteur des services 39,4%.

Selon les chiffres publiés cette semaine par le ministère de l’Économie et des Finances, le secteur agricole devrait afficher un taux de croissance de 1,6% en 2019, contre 10,7% pour le secteur des services et 6,7% pour les autres secteurs. L’agriculture, selon la banque centrale, est freinée par ses coûts de production, les fluctuations du marché, et le manque d’innovation dans les techniques agricoles.

Dans le village de Trach, la réalité confirme les statistiques.

Chim Sokun, 38 ans, a décidé de migrer il y a 10 ans, avant l’arrivée des usines juste à l’extérieur du village. Il a trouvé du travail dans une usine située dans la province de Kandal, à deux heures de route de son domicile.

Chim Sokun a abandonné ses terres pour chercher un emploi dans une usine de confection de la province de Kandal

Chim Sokun a abandonné ses terres pour chercher un emploi dans une usine de confection de la province de Kandal


« Pour les villageois d’ici, l’industrie du vêtement et les usines sont essentielles à leur subsistance. Pourquoi? Sans les usines, nous ne savons pas quoi faire pour gagner notre vie. À mon avis, c’est valable pour le village de Trach et au-delà », déclare Chim Sokun.

« Nous ne pouvons plus compter sur l’agriculture ici, car elle offre peu de rendement, et nous manquons d’irrigation », explique-t-il. «Nous avions l’habitude de cultiver du riz, mais cela a changé il y a 10 ans, alors que la demande de main-d’œuvre est devenue plus forte dans l’industrie du vêtement.»

Avantages des usines

Nov Sorphoan, 36 ans, mère de deux enfants, vit dans le village. Elle a hérité de ses parents d’un terrain agricole couvrant un peu plus d’un hectare. Mais, elle a choisi de se lever tous les jours à 3 heures du matin pour cuisiner du riz, et préparer des plats qu’elle vend aux ouvriers de l’usine. Ses 12,50 dollars de revenus quotidiens l’ont aidée à obtenir un prêt de immobilier de 20 000 dollars US.

Pour Krech Thon, mère de quatre enfants, l’industrialisation croissante et les changements apportés par les usines dans son village sont un fait accompli.

« Oui, nous ressentons la nostalgie de certaines régions avec des rizières et des étangs naturels qui ont été vendus à des fins industrielles », confie-t-elle. « Mais, je souhaite que ces usines restent en place pendant encore de nombreuses années afin que les générations futures aient un emploi », conclut-elle.

Avec Aun Chhengpor et Vicheika Kann VOA Khmer. Nota : Pour la clarté de l’article, certaines citations ont été réduites. CG

 

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