C’est avec une tristesse infinie que l’on a appris l’accablante nouvelle du décès de l’une des figures les plus connues de la communauté française de Phnom Penh : Manuel Dupré, notre Manu, notre très cher et irremplaçable ami, s’est éteint dans sa cuisine le 4 mai 2019, après avoir mené une lutte acharnée pendant deux ans contre une maladie impitoyable.
Manuel Dupré
Manu était connu de tous les Français de Phnom Penh. Son caractère, aussi entier et bourru qu’il fût, ne faisait planer aucune ombre sur l’immense sympathie qu’il inspirait invariablement à tous ceux qui faisaient sa connaissance.
La Marmite, un lieu incontournable
Arrivé au Cambodge à la fin des années 1990, c’est en 2001 qu’il avait ouvert le restaurant La Marmite, devenu un lieu incontournable pour les amateurs de cuisine française traditionnelle. On rencontrait dans ces lieux les personnes les plus diverses, mais surtout des copains. C’était un lieu où l’on se donnait rendez-vous à toute occasion, pour refaire le monde autour d’un verre, et confronter ses arguments à ceux de Manu, toujours présent et prêt à faire partager ses idées.
C’était aussi dans ce lieu qu’il partageait volontiers avec les « nouveaux » de Phnom Penh ou les touristes de passage sa connaissance intime du pays et de ses habitants qu’il aimait sans retenue. Il avait d’ailleurs comme compagne une Cambodgienne, Song, qui l’assistait sans relâche dans ses tâches et dans la vie de tous les jours.
Attentif
On venait à La Marmite pour ses plats du jour, renouvelés quotidiennement, que Manu concoctait en s’inspirant du marché ou en fonction des arrivages. Nombreux étaient ceux qui attendaient impatiemment le plat dominical auquel il accordait une attention toute particulière. Il était émouvant de l’entendre parler des découvertes auprès de ses fournisseurs : gambas à l’espagnole, moules (d’importation, insistait-il) frites. Inspiré par sa région natale, il nous proposait des palourdes à la charentaise dont on se régalait, allant jusqu’à en lécher les coquilles.
Il était très fier quand il avait pu faire venir de la rhubarbe de Rungis pour nous préparer des tartes qui ravivaient nos souvenirs d’enfance. Il était attentif à tous nos désirs, à tous nos besoins, et n’hésitait jamais à répondre aux demandes particulières. Et l’homme était d’une grande générosité, générosité qui se reflétait dans les portions pantagruéliques qu’il servait à sa clientèle. Cambodge Mag avait d’ailleurs rendu hommage à son restaurant (voir ici)
N’ayant pas sa langue dans sa poche, toujours direct, il arrivait parfois à Manu de froisser la sensibilité de l’un ou de l’autre, mais jamais on ne lui en tenait longtemps rigueur et c’est toujours très vite que l’on retrouvait le chemin de son établissement.
La fin d’une véritable époque
Père et mari exemplaire, Manu était un homme fondamentalement bon et droit. Et il accordait à l’éducation de ses enfants une attention son relâche : son fils Anthony, après de brillantes études au Lycée Descartes, poursuit aujourd’hui en France des études d’ingénieur. Malheureusement, sa petite Laetitia, également scolarisée au Lycée Français, devra grandir sans lui.
Le départ de Manu, après celui de nombreux autres anciens Français du Cambodge, marque la fin d’une véritable époque. Chez Manu, on avait en effet un peu l’impression de revenir à l’époque idéalisée de l’Indochine et l’on imagine sans difficulté que c’est son établissement qu’auraient pu évoquer dans la cuisine des Tontons flingueurs Lino Ventura et Bernard Blier.
Tu vas nous manquer, Manu, tu nous manques déjà ! Nous espérons que lorsque nous te rejoindrons au paradis, car là est ta place, c’est toi qui seras aux commandes des cuisines de Saint Pierre. (La date et lieu des obsèques de Manuel Dupré ne sont pas encore fixés. Restez à l’affût des réseaux sociaux.)
Texte : Pascal Médeville ; Photos : Facebook
Comments