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Cinéma : Le film « La Déchirure » fête ses 35 ans

Dernière mise à jour : 2 déc. 2019

Sorti en 1984, « La Déchirure » est la première grosse production à prendre pour thème le drame des Khmers rouges. 35 ans après sa sortie sur les écrans, retour sur une œuvre qui fit date.

Le film « La Déchirure » fête ses 35 ans

Le film « La Déchirure » fête ses 35 ans


Phnom Penh, 1975. Alors que les Khmers rouges pénètrent dans la ville, la plupart des correspondants étrangers sont évacués vers la Thaïlande pour des raisons évidentes de sécurité. Seule une poignée d’entre eux restent sur place, trouvant refuge dans l’enceinte de l’ambassade de France, dernière représentation diplomatique a rester en activité.

Parmi eux, Sydney Schanberg qui, grâce à son assistant Dith Pran, continue d’envoyer ses articles au prestigieux New York Times. Après trois semaines d’un éprouvant huis-clos, tous les journalistes étrangers seront évacués. Il n’en va pas de même pour les ressortissants cambodgiens qui, eux, devront rester sur place, à la merci de troupes galvanisées par leur victoire. Durant 4 ans, Dith Pran disparaît, tandis que Schanberg n’aura de cesse de le rechercher. Ce n’est qu’en 1979, alors qu’il s’est évadé et qu’il trouve refuge dans un camp à la frontière Thaïlandaise, que les deux hommes se retrouvent enfin. Ce sont ces liens étroits unissant ces deux personnages qu’illustre le film « La Déchirure », inspiré des écrits de Sydney Schanberg et du témoignage édifiant livré par Dith Pran.

Reporters de guerre

Dès 1982, le producteur britannique David Puttnam, auréolé du succès des « Chariots de feu », rentre en contact avec Sydney Schanberg afin d’adapter ses articles au cinéma. Le journalisme est alors un thème prisé du grand écran, comme le démontre le succès d’œuvres telles que « Les Hommes du président » (1976), « L’Année de tous les dangers » (1982) et, plus tard, « Salvador » (1986). Après avoir songé à plusieurs réalisateurs prestigieux, c’est Roland Joffé, qui n’a tourné que pour la télévision, qui est finalement choisi. Sam Waterston, Julian Sands et John Malkovich joueront respectivement les rôles de Sydney Schanberg, Jon Swain et Al Rockoff.

C’est Haing S. Ngor, un acteur débutant, qui sera chargé d’interpréter Dith Pran. Médecin de profession, cet ancien prisonnier des Khmers rouges qui a trouvé refuge en Californie est immédiatement sélectionné pour jouer le rôle. Les premiers tours de manivelle commencent en 1983, dans les studios anglais pour les scènes d’intérieur, dans la campagne proche de Bangkok pour les extérieurs.

Une densité rare

Le film se distingue par la densité des thèmes qui y sont abordés. Au cours de ses 141 minutes, le long-métrage illustre la confusion qui s’empare de Phnom Penh durant ce fatal mois d’avril 1975, pointe les responsabilités du gouvernement Nixon et s’étend longuement sur la bavure de Neak Luong. En août 1973, une erreur de guidage avait envoyé les bombardiers larguer 20 tonnes de bombes sur la ville, causant la mort de 137 personnes. Le réalisateur fait aussi preuve d’une grande fidélité dans la retranscription du quotidien des protagonistes, par le biais d’images fugaces, comme celle de l’ambassadeur américain évacué en tenant sous le bras la bannière étoilée, ou de scènes plus développées.

L’évacuation de Phnom Penh, l’enfer des camps de travail Khmers rouges et la solitude des émigrés cambodgiens sont fidèlement retranscrits, tout comme le microcosme du Phnom. Autour de la piscine de cet hôtel, le spectateur croise quelques grands noms du journalisme profitant des délices de cette enclave avant de partir, le lendemain, à bord des Mercedes blanches de l’établissement à la recherche d’informations qui, parfois, leur coûteront la vie . L’ultime refuge que représente l’ambassade de France fait lui aussi l’objet d’une longue séquence. Si les Français qui en arpentent les couloirs semblent un tantinet caricaturaux, la course aux « vrais-faux passeports » est, elle, bien réelle et trouve son pendant littéraire dans le best-seller de François Bizot, « Le Portail ».

Itinéraires contrastés

Lors de sa sortie sur les écrans, le film obtient un succès tant public que critique. Remportant 3 Oscars, dont celui du meilleur acteur dans un second rôle pour Haing S. Ngor, « La Déchirure » ouvre la voie à d’autres long-métrages traitant du drame cambodgien tout en sensibilisant un public souvent ignorant de ces événements alors récents. Productions cambodgiennes (le premier film de Rithy Panh sort en 1988), mais aussi internationales, telles que « Le Temps des aveux » de Régis Wargnier ou « D’abord, ils ont tué mon père » réalisé par Angelina Jolie.

Le devenir des protagonistes est quant à lui plus contrasté. Dith Pran, après son évasion, retrouvera sa famille aux États-Unis et sera embauché en tant que photographe pour le New York Times, croisant régulièrement son ami Sydney Schanberg dans les locaux du journal. Nommé ambassadeur de bonne volonté pour le Haut commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, il n’aura de cesse de s’engager en faveur des victimes des Khmers rouges, créant l’ONG Dith Pran Holocaust Awareness Project . Il s’éteindra en 2008 à l’âge de 65 ans.

Haing S. Ngor a lui aussi fondé une association en faveur du peuple cambodgien, tout en poursuivant une carrière d’acteur et d’écrivain. Cet ancien gynécologue, qui fit ses études à Toulouse, s’illustre dans une dizaine de films, donnant la réplique à Nicole Kidman, Michael Keaton et même… Johnny Hallyday . En 1996, il est victime d’une agression et refuse de se séparer du médaillon contenant une photo de sa défunte épouse. Il est abattu froidement sur le trottoir en face de son domicile. Il avait 55 ans.

Sydney Schanberg, prix Pulitzer en 1976, deviendra par la suite un spécialiste de la période des Khmers rouges et sera régulièrement consulté sur le sujet.

Liant destins personnels et grande Histoire, « La Déchirure » reste un film exceptionnel, livrant une vision puissante et bouleversante dont aucun spectateur ne peut sortir indemne.

Par Rémi Abad

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