Le gouvernement cambodgien a organisé une célébration de trois jours marquant le vingtième anniversaire de la fin de la guerre civile par l’inauguration du hautement symbolique monument Gagnant-gagnant. L’événement, qui a débuté le 29 décembre, a rassemblé plusieurs dizaines de milliers de personnes à Chroy Changvar, la péninsule qui fait face à la capitale.
Chroy Changvar : Vingtième anniversaire de la fin de la guerre civile
Politique “gagnant-gagnant”
Cette célébration était organisée pour marquer la fin de la guerre, la mise en place de la politique “gagnant-gagnant”, comme se plait à le rappeler le Premier ministre Hun Sen et, enfin, pour raconter à la prochaine génération la véritable histoire du Cambodge.
”…Le 29 décembre 1998, les trente années de guerre qui sévissaient au Cambodge ont pris fin lorsque les dirigeants survivants des Khmers rouges, Nuon Chea et Khieu Samphan, se sont officiellement rendus…La politique gagnant-gagnant a permis au Cambodge de parvenir à la paix et à l’unité territoriale, à contribuer au développement socio-économique et à la réduction de la pauvreté…”, a déclaré M.Hun Sen en preambule à son discours qui aura duré plus de deux heures.
Inauguration du mémorial Gagnant-gagnant
Le chef du gouvernement royal a également insisté sur le fait que ces célébrations ne constituaient en rien un affront aux accords de paix de Paris. ”…Les Nations Unies ont injecté deux milliards de dollars dans l’économie en difficulté du Cambodge, mais la paix a été orchestré par Hun Sen et non par les Nations Unies…”, a rappelé le Premier Ministre.
Rappel : Accords de paix de paris
La capitulation intervient sept ans après la signature des accords de paix de Paris de 1991 et la proclamation de la fin de la guerre. Cependant, l’arrivée de soldats de la paix au sein de l’Autorité de transition des Nations Unies au Cambodge (APRONUC) en 1992 ne permet pas de désarmer les Khmers rouges.
Les combats, les enlèvements et les attaques terroristes se poursuivent alors que les factions armées fidèles au dirigeant khmer rouge Pol Pot et celles des deux premiers ministres partageant le pouvoir – Hun Sen du Parti du peuple cambodgien (PPC) et le prince Norodom Ranariddh du Funcinpec, s’affrontent en permanence.
Selon le président honoraire du PPC, Heng Samrin, cela a changé en 1997 lorsque le Prince Ranariddh aurait cherché un accord avec les Khmers rouges. Il aurait voulu forger une alliance militaire dans le but de déjouer Hun Sen, qui a ensuite réagi en conséquence.
Des centaines de personnes ont été tuées lors du ”coup de 1997”et les fidèles du Prince Ranariddh ont été mis en déroute. Des amnisties en échange de défections ont été offertes aux Khmers rouges alors que les troupes gouvernementales fidèles à Hun Sen ont procédé à un dernier assaut dans leurs dernières places fortes le long de la frontière thaïlandaise. Ils sont parvenus ensuite à une capitulation finale.
Fanfare militaire lors de la célébration
La paix selon Heng Samrin
Dans le livre The People’s Struggle, Cambodia Reborn, publié récemment pour coïncider avec les célébrations, l’auteur Heng Samrin attribue aussi à Hun Sen la fin du conflit armé.
“…En éteignant l’incendie de la guerre, des Cambodgiens et des observateurs d’autres pays ont exprimé leur admiration pour la tactique des dirigeants du PPC…”, écrit-il.
Peter Starr, rédacteur de la version anglaise du livre de M.Samrin, déclare que ”….les accords de paix des Nations Unies et de Paris ont beaucoup contribué au développement du Cambodge…”. Il ajoute également que : “…Heng Samrin a reconnu le rôle important joué par l’ONU dans la réinstallation de centaines de milliers de réfugiés le long de la frontière thaïlandaise et dans la supervision des élections multipartites de 1993. Peter Starr a également tenu à préciser que l’ONU n’avait pas mis fin à la guerre civile. Selon Heng Samrin, le processus aurait pris cinq année de plus…”.
Et, c’est probablement cette dernière capitulation qui a permis au tribunal des Khmers rouges de commencer à travailler pour obtenir des condamnations contre Nuon Chea et Khieu Samphan pour génocide et crimes contre l’humanité.
Inauguration du mémorial Gagnant-gagnant
La Paix
Pendant ces deux décennies de paix au Cambodge, le pays a connu plusieurs soubresauts. Mais parmi les Cambodgiens ordinaires, la sécurité instaurée par la paix a ouvert le pays au monde extérieur et lui a permis une croissance économique sans précédent.
Inauguration du mémorial Gagnant-gagnant
“…Après la fin de la guerre, tout se passe bien, les gens vivent en paix, le pays se développe, les enfants peuvent aller à l’école et les gens ont un emploi”, déclare Hean Khea, une serveuse âgée de 24 ans, à la radio VOA Khmer.
Raksmey El, 24 ans, récemment diplômé de l’université et conscient des problèmes auxquels le Cambodge a été confronté au cours de deux décennies de paix, fait écho à ses sentiments. “…J’espère que cette paix et cette stabilité politique continueront de s’améliorer…”, a-t-il déclaré, ajoutant que “…De nos jours, nous pouvons constater que notre Cambodge se développe considérablement…Cependant, certains problèmes subsistent, comme la corruption, qui devrait être complètement éliminée par le gouvernement…”.
Symbole de réconciliation
”…Le mémorial est un symbole de réconciliation nationale, de solidarité, d’intégrité territoriale, de développement et de prospérité du Cambodge…Dans le cadre de la politique gagnant-gagnant, les groupes khmers rouges basés à Oddor Meanchey, Banteay Meanchey et Pailin ont été dissoutes sans affrontement. La dernière zone, basée dans le district d’Anlong Veng à Oddar Meanchey, a été dissoute en 1998, apportant paix, développement et joie pour le royaume….”, a déclaré le Premier ministre lors de la cérémonie d’ouverture.
Le Premier ministre Hun Sen et son épouse lors de l’inauguration du mémorial Gagnant-gagnant
Selon le vice-président du comité de construction du mémorial, les statues situées au rez-de-chaussée autour de l’enceinte gagnant-gagnant ont été sculptées afin de présenter le parcours du ”camarade Hun Sen” libéré du Cambodge du régime Pol Pot. ”…Le mémorial a trois sommets soulignant les trois clés de la politique gagnant-gagnant (garantir la vie, le travail et la propriété des biens)…”, a-t-il précisé.
La construction du monument de 12 millions de dollars américains a commencé en février 2016 sur une parcelle de 8 hectares en face du complexe sportif national Morodok Techo dans le district de Chroy Changvar à Phnom Penh. Le ministre de la Défense, le général Tea Banh, a déclaré que ce monument de 54 mètres de haut rappelait aussi les sacrifices consentis pour mettre fin à la guerre.
Le Premier ministre Hun Sen et son épouse lors de la visite du mémorial Gagnant-gagnant
Bémol
Sebastian Strangio, auteur du livre Hun Sen’s Cambodia, a déclaré sur Aljazeera que le Premier ministre mérite d’être crédité pour avoir mis au point les offensives militaires et les accords politiques ayant conduit à l’éclatement des Khmers rouges. Cependant, le journaliste pense que Hun Sen a depuis exploité son héritage pour des objectifs politiques : “…Bien sûr, cet exploit a depuis été transformé en une revendication politique tendant à décrire ses opposants comme des ennemis résolus à raviver la guerre civile…”, a-t-il déclaré.
Discours et défiance vis-à-vis des USA
Des soldats de toutes les branches de l’armée, des officiers de police et de nombreux Cambodgiens se sont rassemblés devant le monument pour marquer cet anniversaire. ”….Ce monument de 54 mètres de haut rappellera les sacrifices consentis pour mettre fin à la guerre civile qui semblait interminable..”, a rappelé le Premier ministre. Quant à la paix, leitmotiv récurrent chez les discours de M.Hun Sen, ce dernier a tenu, une nouvelle fois, à mettre en garde les États-Unis ”…de ne pas commettre d’autres erreurs susceptible de détruire le bonheur des Cambodgiens vivant en harmonie sous le toit de la paix…”.
Une partie du public lors de événement de trois jours
Selon M.Hun Sen, les États-Unis ont commis deux erreurs qui ont détruit le royaume et infligé des souffrances extrêmes à son peuple. Les USA ont commis une grave erreur en soutenant Lon Nol pour renverser le défunt roi. La seconde erreur a été de reconnaître le siège des Khmers rouges à l’ONU pendant douze ans.
M.Hun Sen : Un long avertissement aux USA lors de son discours
”…Les USA ont soutenu le régime destructeur qui a duré trois ans, huit mois et vingt jours. Cette folie a aboli la propriété privée, les biens personnels, la socialisation, le mariage, la religion, la liberté. Les villes du pays ont été évacuées, les hôpitaux vidés, les écoles fermées… tout cela a complètement disparu. Pire encore, environ 1,7 million de Cambodgiens ont perdu la vie des suites de torture, de famine et d’épuisement…”, a lancé le Premier ministre.
Paix difficile
Le Premier ministre a souligné que la paix fut difficile à réaliser, mais qu’elle est inestimable. Selon lui, la paix a permis au Cambodge de faire renaître le commerce, l’économie, l”investissement et le développement social.
”…J’espère que les États-Unis et leurs alliés ne commettront pas une nouvelle erreur susceptible de détruire le développement et le bonheur du peuple cambodgien sous prétexte de renforcer les droits de l’homme et la démocratie….”, a ajouté M.Hun Sen.
”…Soutenir un coup d’État est-il démocratique, soutenir Pol Pot est-il dans le respect des droits de l’homme…”, a-t-il demandé en s’adressant au public.
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