N’entrez surtout pas dans la barre Google les deux mots « santé Cambodge » ! Trop tard ? Vous venez de le faire ?
N’ouvrez alors aucun des liens qui apparaissent à l’écran, à commencer par le tout premier que vous trouverez. Si vous le faites, vous courrez le risque de ne jamais oser venir me retrouver.
Mes chers parents, ne cherchez pas « santé Cambodge » sur Internet !
Petit florilège de perles et autres idées reçues trouvées sur Internet à propos du Cambodge. Et uniquement sur des sites sérieux. Aucune des citations ci-dessous ne proviennent de sites satiriques. Tout est certifié « conseils sérieux » ! Tout ce qu’il y a de plus sérieux !
Paludisme
« Dans un pays ruiné comme le Cambodge, la situation sanitaire est évidemment déplorable. La population connaît les ravages du paludisme, de la malnutrition, de la tuberculose, actuellement première cause de mortalité, et de la rage (pays le plus touché par cette maladie). Quant aux voyageurs, les vaccins, les règles élémentaires d’hygiène et les précautions alimentaires habituelles les préserveront dans la plupart des cas », annonce ainsi le premier chapitre du guide du Routard, section sanitaire et sécurité. Jusqu’ici tout est véridique. La situation sanitaire est loin d’être bonne, surtout dans les campagnes. Mais c’est après que cela dérape.
On y apprend ainsi que le paludisme, cette maladie de pauvres qui effraye tant les riches, « est absent du centre-ville des grandes villes ». Ha bon, et à la périphérie de ces grandes villes alors ? Bien, on ne sait pas trop en fait, donc on ne prend pas le risque de dire qu’il n’y en a pas. Mais question : où se situe la frontière entre le centre-ville et sa périphérie ? On ne sait pas trop non plus. Alors, il vaut mieux être prudent et ne réserver pour ses vacances, que des hôtels que dans les hyper-centres de chaque ville ! Vous envisagiez de passer votre dernière nuit non loin de l’aéroport de Pochentong pour être prêt pour votre vol du matin ? N’en faites rien, vous risquez d’attraper le palu !
Plus loin, on apprend que, « si à Phnom Penh et à Siem Reap il n’y a quasi pas de paludisme intra-muros, les moustiques vecteurs sont bel et bien présents sur le site d’Angkor, d’où il est conseillé de repartir avant le coucher du soleil… l’heure où se réveillent ces « chair » bestioles ! »
Ainsi donc, il n’y a « quasi pas de paludisme intra-muros » à la capitale et dans la cité des temples ! Cela signifie que même dans le centre-ville nous ne sommes pas vraiment à l’abri contrairement à ce qui était affirmé deux lignes plus tôt ? Quand on vous dit qu’on n’est jamais sûr de rien ! Et deuxième chose, il faut absolument quitter Angkor AVANT le coucher de soleil ! Comment ça avant ? Et dire que des millions de touristes, chaque année, attendent béatement avec leur caméra devant les tours d’Angkor que le soleil se couche, au risque d’être contaminés par un vilain Psalmodium falsiparum, la souche mortelle du paludisme !
Aliments
Passons et poursuivons notre lecture : « Les aliments sont l’autre source de problèmes intestinaux. Le choix des restaurants s’avère donc primordial : si c’est vraiment très sale, fuyez ! Un endroit vide doit être considéré comme louche. À Phnom Penh, les estomacs fragiles préféreront sans doute les restos occidentaux, non par conservatisme mais par mesure d’hygiène. » Et vous qui vouliez tenter un restaurant local 5 étoiles ! Attendez d’être de retour dans le XIIIème arrondissement de Paris… C’est plus sûr !
Et si malgré tout on tombe malade au Cambodge, on fait quoi ? Le guide du Routard a la réponse qui peut se résumer en un mot : Fuyons !
Pharmacies
Enfin presque : « Ne pas trop se fier aux « pharmaciens » [NDA : notez l’emploi des guillemets à pharmacie] du pays (certains vendent des médicaments périmés ou contrefaits et ils ne sont pas plus pharmaciens que vous, bien souvent) ou aux hôpitaux (sous-équipés)… En cas de pépin sérieux, prendre le premier avion pour Bangkok, qui possède les meilleurs hôpitaux de la région. Savoir, enfin, qu’au Cambodge les études de pharmacie (et de médecine) se font en français. Si un médecin ne parle pas le français, dans la plupart des cas, ce n’est pas bon signe… » Ce chapitre tout en nuances va ravir les pharmaciens professionnels des grandes villes du royaume ainsi que les médecins cambodgiens qui ont étudié dans les plus grandes universités de pays malheureusement pour eux non francophones…
Mais ce site n’est pas le seul à donner des informations pour le moins étonnantes.
Il en est un autre qui explique doctement : « La plupart des médicaments disponibles sur le territoire cambodgien proviennent de Chine. On ne sait pas toujours ce qu’ils contiennent ni leur posologie ». Surtout si cette dernière est rédigée en Chinois, auraient-ils pu rajouter.
D’une manière générale, comme un chewing-gum chauffé par le soleil conglutiné à la semelle d’une chaussure de tennis, l’image du Cambodge d’aujourd’hui est encore trop souvent le reflet de son passé. Le pays est réputé dangereux car toujours miné et il est conseillé, dans nombreux guides de voyage, « de ne pas s’éloigner des chemins balisés et de toujours demander à des locaux si la zone ou vous désirez aller, et qui n’est pas mentionnée dans le guide, n’est pas dangereuse ».
Certes, depuis quelques années, l’Occident remplace dans son imaginaire les guérilleros du Cambodge par les somptueux temples d’Angkor. C’est à peu près tout. La jeune stagiaire qui se prépare à aller passer un bout de sa vie dans ce pays n’en connaît pas vraiment plus et ne sait généralement pas trop à quoi s’attendre. Surtout en matière sanitaire !
Et ce n’est pas une recherche sur Internet qui va la rassurer !
Enfin, au moins, une chose est certaine, et est annoncée avec sérieux en fin de la section consacrée à la sécurité : « Phnom Penh n’est pas miné » ! Le centre-ville, oui. Mais la périphérie ? Dans le doute…
A bientôt, Frédéric Amat
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