Hélène Conway-Mouret, Sénatrice des Français de l'étranger et surtout très attachée au Cambodge, se trouve dans le Royaume pour une visite de quelques jours. « Une occasion de de retrouver l’ensemble des acteurs de la communauté française », confie-t-elle au cours d'un entretien accordé à Cambodge Mag.
Entretien
Lors de votre précédente visite au Cambodge, vous aviez rencontré beaucoup de représentants de la communauté française, notamment élus consulaires, responsables d’associations, enseignants… et vanté les mérites de la coopération franco-cambodgienne. Quel est l’objectif de votre visite aujourd’hui ?
En mars 2018, j’ai en effet fait ma première visite au Cambodge, je suis très heureuse d’y revenir cette année pour quelques jours. La diplomatie parlementaire est importante entre nos deux pays puisque ma visite s’inscrit quelques semaines seulement après la venue de mon collègue et ami Vincent Eblé, Président du groupe d’amitié France Cambodge au Sénat, et qui était à la tête d’une délégation sénatoriale.
Cette nouvelle visite sera l’occasion de retrouver l’ensemble des acteurs de la communauté française.
« En tant que Sénatrice des Français établis hors de France, mais aussi ancienne ministre des Français de l’étranger, je suis particulièrement attentive aux besoins et aux attentes de nos compatriotes qui sont plus de 5 000 Français au Cambodge. »
Vous avez d’ailleurs la chance d’avoir trois Conseillers des Français de l’étranger, Florian Bohême, Jean Lestienne et Victor Remigi qui vivent ici et sont très engagés pour la communauté. Je suis très heureuse de les retrouver et de pouvoir échanger avec eux pour soutenir leurs actions de terrain.
Comme à chacune de mes visites, j’ai à cœur de rencontrer nos consuls honoraires ainsi que les associations représentatives des Français comme FdM/ADFE et l’UFE ainsi que Phnom Penh Accueil ou encore l’AEFC. Ces associations contribuent utilement au rayonnement de nos communautés dans le monde.
Pouvez-vous nous éclairer sur les moyens dont disposent les sénateurs des Français de l’étranger pour apporter des améliorations, tant pour la coopération bilatérale que pour les conditions de vie des expatriés ?
D’abord, de retour à Paris je fais un certain nombre d’interventions auprès des administrations centrales et des ministres suite aux problématiques qui m’ont été présentées lors des nombreuses rencontres et réunions qui ont été programmées. Certaines nécessitent une décision au plus haut niveau pour débloquer un dossier. J’interroge le gouvernement par courrier, mais aussi via le dispositif légal des questions orales ou écrites et j’envoie des notes directement aux directeurs ou aux ministres concernés.
Pour ce qui est de la relation bilatérale, le rapport de mission que je rédige enrichit le travail de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat. Il complète les réflexions du groupe d’amitié France Asie du Sud-Est et s’ajoute au travail du ministère via les télégrammes diplomatiques de notre ambassade.
Vous êtes très attachée à la défense du droit des femmes, vous aviez visité une usine textile lors de votre précédent séjour au Cambodge. Cinq ans après, alors que le secteur est en pleine croissance et que de nombreuses marques délocalisent leur production vers le Royaume en raison de la crise du Myanmar et de l’ouverture des frontières du pays, demeurez-vous attentive à la condition des ouvrières de ce secteur ?
Oui, je suis évidemment très attachée aux droits des femmes et j’y consacre une partie de mes travaux au Sénat comme ancienne vice-présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances. Je sais que notre nouvel Ambassadeur de France, Jacques Pellet, est aussi engagé sur ces questions.
J’avais d’ailleurs également visité en 2018 la construction d’un hôpital qui leur était dédié en périphérie de Phnom Penh.
« Pour valoriser le droit des femmes, la France a un outil formidable, c’est l’Agence Française de Développement. Ici au Cambodge, cet organisme de l’État français est particulièrement actif dans le domaine du textile avec plusieurs programmes qui permettent de structurer durablement la filière. »
Sur les droits des femmes par exemple, un des enjeux aujourd’hui est de les former à devenir cadres dans les usines textiles. Il faut que l’ensemble de cette filière soit géré par des Cambodgiens et donc d’abord par des femmes. On ne peut pas avoir d’un côté des femmes à des postes subalternes et ensuite des étrangers à des postes de responsabilité.
Durant ma visite, dont le programme est chargé, je vais notamment rencontrer le SIPAR qui est une ONG bien connue ici et très engagée sur ces questions.
La communauté française n’est pas très nombreuse au Cambodge, mais se caractérise par un fort dynamisme dans le milieu des affaires, quelle est votre opinion, pensez-vous que cette énergie va aller croissante ?
Notre communauté d’affaires n’est peut-être pas nombreuse, mais ce n’est pas la quantité qui compte, mais la qualité. Nous avons la chance de pouvoir compter sur une communauté d’affaires solide et très dynamique, composée principalement de petites et moyennes entreprises.
« Notre histoire passée commune fait qu’une large part de notre communauté est franco-cambodgienne. Cela ne peut qu’aider au développement de nos relations économiques entre la France et le Cambodge. »
Par contre, il est vrai qu’aujourd’hui nous n’avons pas beaucoup de grandes entreprises françaises installées au Cambodge. Sur ce point, je discuterai avec l’ensemble des acteurs pendant ma visite et ce séjour peut être l’occasion de passer ensuite des messages à Paris, notamment auprès des acteurs avec lesquels je suis en contact régulier tels que le Président des conseillers du commerce extérieur de la France, la Chambre de commerce et d’industrie à Paris et en Ile-de-France, le Medef international et les ministères français.
Votre avis sur ce prochain forum d’affaires France — Cambodge et vos attentes ?
Je souhaite tout d’abord saluer l’organisation de ce Forum, cela montre que le Cambodge est un pays qui est pleinement engagé dans la reprise économique de l’après-covid. Le fait que la communauté économique française, via la CCIFC (Chambre de commerce) et nos CCEF (Conseillers du commerce extérieur) ait eu cette idée d’organiser un évènement économique de grande ampleur ne peut que contribuer à installer à la fois le Cambodge comme un acteur économique d’importance dans la région, mais aussi la communauté d’affaires Franco-Cambodgienne comme une tête de réseau en Asie du Sud-Est. Il ne faut pas s’y tromper, il suffit de regarder une carte pour voir que le Cambodge a une place centrale et ce forum la renforcera très certainement.
Vous êtes aussi très attachée à l’action culturelle, pensez-vous que l’action initiée par la France au Cambodge peut encore être améliorée ?
Vous avez raison, je suis attachée à la culture française et aux valeurs qu’elle porte. Je suis d’ailleurs depuis février dernier administrative à Paris de l’Institut Français ainsi que de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger. Dans ce cadre, je travaille étroitement avec Eva Nguyen Binh, ancienne ambassadrice de France au Cambodge.
« J’ai souhaité aussi au cours de ma visite avoir plusieurs temps forts avec l’Institut Français. J’ai hâte de découvrir l’exposition autour du parfum. »
Je félicite le Directeur délégué de l’Institut Français, Valentin Rodriguez, et je me réjouis de le rencontrer. La programmation « Cannes à Phnom Penh » en même temps que le Festival de Cannes est une initiative originale qui doit être dupliquée ailleurs. Cette année encore, le cinéma cambodgien ou Franco-Cambodgien a brillé sur la croisette avec le dernier film de Davy Chou, « Retour à Séoul », sélectionné dans la catégorie Un certain regard. Je souhaite aussi citer le documentaire « 9 jours à Raqqa » de Xavier de Lauzanne qui, après deux ans d’attente pour cause de pandémie, a finalement pu être diffusé pendant le festival. Enfin, il faut aussi souligner la présence de Rithy Pan comme Président du premier jury TikTok, partenaire officiel du Festival de Cannes 2022.
Malheureusement je ne peux pas me rendre à Siem Reap pour visiter l’Alliance Française que je n’oublie pas et je sais que nous avons aussi une antenne de l’Institut Français à Battambang.
Vous le voyez, au Cambodge, nous avons cette chance d’avoir encore une présence. Ce n’est malheureusement plus le cas dans de nombreux pays.
Il est toujours possible d’apporter des améliorations à tout, mais une chose est sûre, si nous voulons entretenir une relation bilatérale forte cela passe par une présence renforcée dans tous les domaines.
Lors de votre précédent séjour, vous aviez évoqué une influence chinoise et japonaise grandissante dans le pays, quelles seraient selon vous les meilleures stratégies à adopter pour que le rayonnement français puisse s’adapter à cette « évolution » ?
L’influence de la Chine est notable sur tous les continents et est de plus en plus visible par la présence de ses ressortissants qui travaillent sur les grands projets financés par la Chine, mais également dans le domaine du « soft power » dans lequel ce pays investit massivement. Les instituts Confucius, les étudiants chinois et les bourses d’études allouées aux jeunes de ces pays participent activement à l’expansion chinoise. Le Japon est plus centré sur l’Asie.
« Dans un monde de plus en plus ouvert, nous devons consacrer plus d’investissements financiers et humains si nous souhaitons maintenir notre influence. »
Nous devons également nous inscrire dans le développement rapide du Cambodge et être en phase avec les nouveaux besoins exprimés. Nous pouvons l’accompagner grâce à l’expertise et au savoir-faire que nous possédons et pouvons partager dans le cadre de partenariats renforcés.
Parlez-nous de votre programme de visite au Cambodge en quelques mots
Ce programme répond à la fois à la demande française de rencontres avec les acteurs de notre présence culturelle, éducative et administrative en compagnie des élus locaux que sont les conseillers des Français de l’étranger, mais également, afin de renforcer notre relation bilatérale notamment avec les forum des affaires, la visite de l’hôpital pédiatrique Kanta Bopha, la rencontre d’ONGs et de la ministre de la Culture. Il est important pour moi de travailler sur des projets concrets et de participer à leur succès.
À titre personnel, comment trouvez-vous ce pays ? Quels seraient vos endroits préférés ?
C’est un pays moteur au sein de l’ASEAN dont il assure la présidence cette année qui jusqu’à la crise du Covid a fait preuve d’un dynamisme économique remarquable. Ses efforts de diversification des investissements créent un climat très favorable aux investissements étrangers et le pays rebondira avec l’ouverture des frontières et le retour des touristes.
« Le Cambodge nous fait rêver. Son patrimoine historique bâti sous l’empire khmer, ses paysages variés et le dynamisme de Phnom Penh nous incitent à venir découvrir ce magnifique pays. »
Je me réserve tout cela pour un prochain voyage, hors mission, car en dehors du musée SOSORO, j’aurai été privée du reste des loisirs et devrai me contenter des photos !
Propos recueillis par Christophe Gargiulo
Remerciements Florian Bohême
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