Elle est la princesse la plus connue parmi les populations pauvres du sud la capitale. Elle œuvre sans relâche depuis dix ans pour sortir les familles des bidonvilles de leur précarité. Une tâche monumentale, parfois difficile, mais l’énergie de la princesse demeure inébranlable et elle n’a pas mis sa mission sur « pause »...loin de là.
Entretien avec une passionnée
CM : Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Je suis une Française définitivement installée au Cambodge depuis 2010. Je suis mariée au Prince Norodom Narithipong depuis 2003 et j’ai deux enfants aujourd’hui adolescents.
CM : Votre premier contact avec le Cambodge ?
Ayant épousé un Cambodgien, avant 2010, je m’étais rendue dans le pays à maintes reprises. La découverte du Royaume du Cambodge provoquera chez moi un déclic tout naturel.
«J’étais émerveillée, mais également motivée par l’émotion que suscite ce pays et les rencontres que j’y faisais »
CM : Pourquoi avoir choisi de vous y installer il y a 11 ans ?
J’ai longtemps travaillé dans le domaine de la mode et du design. Au fil des années, j’ai peu à peu ressenti le besoin de changer d’horizon, de revenir à l’essentiel et donc de me recentrer vers une vie plus orientée vers l’humanitaire.
CM : Comment avez-vous commencé à vous impliquer dans l’humanitaire ?
J’ai d’abord participé aux actions de « Bang Paoun Project », association que je soutenais activement en consacrant du temps, de l’énergie, et de la détermination afin de venir en aide aux enfants des quartiers les plus démunis de Phnom Penh. Le désir de donner, l’envie de partager m’ont rapidement amenée à consacrer tout mon temps libre à cette association en tant que bénévole.
CM : Vous avez ensuite créé l’ONG Shanty Town Spirit
Oui, dès 2010. Au début, je m’occupais de cinq familles du quartier pauvre de Boeung Trabek, situé au sud de Phnom Penh. L’association prend aujourd’hui en charge les soins de santé et la scolarité de nombreux enfants tout en apportant un soutien aux mères dans leur vie quotidienne.
CM : Il s’agit d’endroits difficiles, des bidonvilles, comment vivez-vous cela ?
Il faut s’impliquer avec beaucoup d’énergie et de compassion pour répondre aux besoins basiques de ces familles et, personnellement, je me suis beaucoup attachée à cette communauté et à ces enfants et je reste ambitieuse pour leur avenir malgré les obstacles.
CM : Vous dites ne pas encourager l’assistanat
Oui, l’objectif de Shanty Town Spirit reste de soutenir les plus démunis afin qu’ils deviennent autosuffisants et, peut-être, qu’ils puissent sortir de la pauvreté.
CM : Comment choisissez-vous ceux que vous aidez ?
« Mes » familles ne sont pas choisies au hasard, j’aide celles qui font des efforts : les enfants vont à l’école, le père et la mère travaillent, la maison est propre. Ce sont des conditions qu’il faut respecter pour pouvoir continuer à bénéficier de l’aide de l’association. En contrepartie, si les enfants obtiennent de bons résultats scolaires, ils auront une récompense.
CM : Tissez-vous des liens d’amitié avec eux ?
Je dirais plutôt de liens quasi familiaux. Il est important de bien connaitre chaque membre pour pouvoir aider de façon efficace. Un lien sincère et une vraie confiance peuvent ensuite se mettre en place.
CM : Donnez-nous un exemple de prise en charge réussie
Je citerais, entre autres, le cas de Sokear. Ce jeune homme a pu être scolarisé à l’âge de 13 ans, grâce à l’association. Avant cela, il était chiffonnier. Il s’est assez facilement intégré au milieu scolaire et m’a aidée au niveau de l’association, notamment pour les traductions et pour gérer les enfants lors de sorties. Mais, il y en a quelques autres.
CM : Comment cela se passait-il avec les difficultés liées au COVID-19 ?
La situation avec le COVID-19 était très difficile pour Shanty Town Spirit. Nous subissions des restrictions strictes et ne pouvions pas aller plus loin que notre quartier. Les enfants les plus chanceux restaient à la maison pour suivre des cours en ligne.
Tous les magasins étaient fermés sauf ceux vendant de « l’essentiel », avec un protocole d’hygiène très strict.
Nous avons offert des kits d’hygiène aux chiffonniers et aux gardiens du quartier pour les remercier de leur travail acharné afin d’assurer la sécurité des familles. Nous avons pu également distribuer des préparations pour 32 bébés dans la communauté de Boeung Trabek et à 40 bébés nés en prison avec la collaboration d’Il Nodo et, bien sûr, en respectant les règles et la distanciation sociale en vigueur.
Heureusement, juste avant le verrouillage, l’association Shanty Town Spirit est parvenue à distribuer des fournitures essentielles telles que des produits d’épicerie, les kits d’hygiène comprennent « des masques de protection, du dentifrice, une brosse à dents et des savons ».
CM : En attendant…
Nous étions toujours en contact avec les communautés, tout le monde restait en sécurité en attendant le feu vert pour la prochaine distribution.Et, nous poursuivions notre objectif de soutenir l’autonomisation et l’autosuffisance des familles vivant dans ces communautés pauvres afin d’améliorer leur qualité de vie.
CM : Dans un autre registre, vous aviez choisi d’être sur la liste « Ensemble » avec Bruno Bogvad pour les précédentes élections consulaires. Pour quelles raisons ?
Je me suis présentée sur la liste de Mr Bruno Godvad, car, je crois profondément en son travail auprès des Français de l’étranger et je désirais l’épauler dans ses actions et ses décisions sur les thèmes de la santé, de l’emploi et de l’éducation.
« Nous avons une chose en commun : l’engagement vers les communautés et Bruno donne beaucoup de son temps pour les Français en difficulté »
C’est donc aussi une référence pour les conseils, je le consulte toujours sur certaines questions associatives ayant trait à l’action humanitaire.
« J'ai été également séduite par le fait qu’il s’agissait d’une liste apolitique et animée par des gens convaincus de leur mission, qui ont beaucoup d’expérience, fait leurs preuves et ne nourrissent aucune ambition personnelle »
CM : Mais aussi ?
Je vis au Cambodge depuis de nombreuses années et je ne suis pas satisfaite de la façon dont sont traités les Français de l’étranger, en l’occurrence ceux du Cambodge puisque je suis également concernée. Il y a d’énormes différences entre ce que peuvent percevoir les Français en territoire français, et nous expatriés. Et je trouve cela totalement anormal et les choses ont bien peu évolué depuis 2014.
CM : Pouvez-vous nous donner plus de détails ?
Pour être claire, je me pose la question : « Ne sommes-nous pas toujours des citoyens français, peu importe dans quel pays nous résidons ? Où est le droit à la retraite, le droit aux allocations familiales, aux chômages et même à la CMU pour les plus démunis ? Nous payons nos taxes ici au Cambodge et nos impôts en France, pourquoi une telle différence ? »
Propos recueillis par Christophe Gargiulo
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