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Journée Internationale des Femmes 2021 : Entretien avec Son Excellence Phoeurng Sackona

À l'occasion de la Journée Internationale des Femmes de cette année, Cambodge Mag ouvre ses archives et remet à la une quelques-uns des nombreux portraits, interviews et photos de celles qui nous ont aidé à rendre le magazine vivant et attrayant au fil des années.

Son Excellence Phoeurng Sackona
Son Excellence Phoeurng Sackona

Avant de devenir Ministre de la Culture et des Beaux-Arts en septembre 2013, S.E. Phoeurng Sackona aura déjà occupé de nombreux postes à responsabilité : Secrétaire d’Etat de 2008 à 2013 au sein du Ministère de l’Education, en charge de la recherche et de la coopération avec les pays francophones, elle aura aussi effectué une longue carrière à l’Institut de Technologie, comme enseignante d’abord et directrice ensuite. Titulaire d’un DEA de microbiologie et Docteur en Biologie Appliquée à la Nutrition et à l’Alimentation, rien ne la destinait donc à devenir la première dame de la culture dans le royaume, si ce n’est un attachement indéfectible à son pays et le désir de préserver l’art et l’identité khmers. Hyperactive derrière un calme et une sérénité bien asiatiques, la ministre qui est parvenue récemment à inscrire le temple de Sambor Prey Kuk à l’UNESCO, a accepté de livrer, en français, quelques-unes des étapes qui l’ont amenée à cette fonction, ses difficultés, ses joies et ses satisfactions.

Gravir les échelons

En 1981, la jeune étudiante originaire de Pursat termine sa scolarité à Phnom Penh et part vers la Russie pour préparer un Master de Sciences. C’est durant ces années à Moscou que lui viendra alors sa passion pour la langue française : ‘’…Ma mère m’avait déjà enseigné l’amour des livres. Alors étudiante en Russie, j’avais entrepris de lire les grands auteurs classiques français. Mais, j’avais à disposition des versions traduites en russe et, même si les histoires me plaisaient, j’avais envie de lire ces ouvrages dans leur version originale…’’, explique-t-elle. En 1993, alors enseignante à l’Institut de Technologie, l’établissement reçoit l’appui de l’aide française et permet alors à Phoeurng Sackona de partir préparer son DEA et son Doctorat à Dijon. En 1991, elle aura eu son premier enfant, sa fille Nipoan, c’est donc en famille qu’elle part étudier à nouveau dans un pays étranger à l’Ecole Nationale Supérieur de Biologie Appliquée à la Nutrition et de l’Alimentation. Ce sera l’occasion de peaufiner sa maîtrise de la langue française, une langue qu’elle qualifie d’ouverture, et de découvrir un pays dont la réputation en matière de préservation des monuments et des arts résonne au-delà des frontières. De retour dans le royaume, elle gravit les échelons : la direction de l’Institut de Technologie en 2003, le Secrétariat d’Etat en 2008 et le ministère en 2013. Elle succède à Him Chhèm qui devient chargé des missions spéciales au gouvernement.

« Ma première mission en franchissant les portes du ministère a été de mettre en place un programme de renforcement des compétences du personnel. Ensuite, il a fallu s’attaquer aux dossiers de l’UNESCO, et c’est un énorme travail »

Il y a en effet deux grands types de dossiers pour l’UNESCO, les demandes d’inscription au patrimoine matériel et celles concernant le patrimoine immatériel. La première catégorie est la plus lourde, elle représente plusieurs années de travail et l’intervention de plusieurs ministères. Cela concerne principalement les monuments et les villes. La deuxième, qui vise à préserver des disciplines ou des pratiques folkloriques et artistiques dans de nombreux domaines est moins lourde en termes de repérage et d’identification mais revêt un caractère plus urgent car il existe peu de documentation et le savoir précieux de ces arts repose sur les hommes. Pour quelques-unes de ces disciplines, le Chapey Dong Veng par exemple, les maîtres sont peu nombreux et très vieux. Si le public peut croire que l’inscription au patrimoine est une inscription fastidieuse certes, mais peu risquée et forcément acquise en raison du besoin évident du royaume en termes de préservation du patrimoine, la réalité est quelque peu différente.

« Prenons l’exemple de l'inscription du temple de Sambor Prey Kuk, il nous a fallu cinq ans pour parvenir à ce résultat. C’est un travail titanesque, le dossier représente plusieurs milliers de pages », explique la ministre, précisant qu’il faut d’abord un descriptif, l’intervention de topographes, d’ingénieurs, de géomètres, d’archéologues, de professionnels du tourisme, et de législateurs. Ces intervenants proviennent de différents ministères, parfois de l’extérieur, il faut donc coordonner tout cela, et cela peut être long.

« Ensuite, une fois que le dossier est estimé prêt à être soumis, nous l’envoyons et devons ensuite répondre aux nombreuses questions qui nous serons posées concernant cette demande »

Et l’inscription de Sambor Prey Kuk fut effectivement l’illustration d’un dossier difficile. Pas ou peu de documentation ancienne concernant ces vestiges préangkoriens, pas d’accès routiers et des exigences drastiques de l’UNESCO quant à la garantie d’un programme touristique qui n’affectera pas les programmes de conservation…Mais, ‘« Une fois que le résultat est annoncé et que celui-ci est positif, c’est une satisfaction immense, une vraie joie, la sensation d’avoir accompli quelque chose en faveur du patrimoine et de là, de la préservation de notre identité…’’, s’exclame Phoeurng Sackona avec un grand sourire. « Nous avons aussi discuté avec le gouvernement pour inscrire des villes au patrimoine de l’UNESCO (Kratié, Kampot et Battambang), ce sera un nouveau challenge car nous n’avons pas encore d’expérience. Il nous faudra bien sur travailler étroitement avec le Ministère du Tourisme », conclut-elle.

Avec Sambor Prei Kuk, le Cambodge compte aujourd’hui sept enregistrements réussis auprès de l’UNESCO. Le site historique d’Angkor a été inscrit comme un patrimoine mondial en 1992 ; la danse Preah Reach Troap (Ballet royal) et Lakhon Sbèk Thom (théâtre d’ombres) ont été proclamés chefs-d’œuvre du patrimoine oral et immatériel de l’humanité, respectivement en 2003 et 2005 ; le Temple de Preah Vihear a été enregistré sur la Liste du patrimoine mondial en 2008 ; Teanh Prot (tir à corde), un jeu récréatif populaire, a été reconnu comme patrimoine culturel immatériel de l’humanité en 2015 ; et le Chapei Dang Veng, un style musical khmer, a été inscrit en 2016 sur la Liste du patrimoine culturel immatériel.

Représentation

Parmi les nombreuses occupations de la ministre figure aussi la représentation. Pour chaque inauguration, célébration ou événement culturel, elle met un point d’honneur à être présente. ‘’…Les relations publiques et ma présence lors d’évènements culturels sont quelques-unes des obligations de notre fonction, mais je m’y prête volontiers car je crois que c’est important d’encourager les nouvelles réalisations, les initiatives culturelles, grandes ou petites. Il y a des associations qui travaillent dans notre domaine, de près ou de loin, et je tiens à leur montrer ma satisfaction…, explique-t-elle. Quant à sa mission de ministre et les satisfactions qu’elle en retire, le leitmotiv reste le même :

« restaurer un monument et le préserver est un acte de mémoire et d’identité, il faut que les jeunes générations connaissent notre histoire ancienne et, notre pays a une culture millénaire immensément riche, il faut documenter, préserver, encore et encore, c’est très important pour nos jeunes qui vivent de plus en plus dans un contexte de mondialisation »

Quant à savoir s’il y a un peu de place pour les loisirs et la vie familiale dans un emploi du temps de ministre : ‘« J’arrive à me détendre un peu, Je lis beaucoup, je fais un peu de point de croix, et essaye de passer un peu de temps avec ma fille, c’est important », conclut-elle, avec un grand sourire. Crédit photo : AKP & Christophe Gargiulo

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