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Anniversaire & Parcours : Armand, les 1001 vies d'un homme de la nuit

À l’occasion de son anniversaire, retour sur le parcours d’un restaurateur pas tout-à-fait comme les autres :

Armand Gerbie n’est pas seulement le propriétaire du bistrot restaurant éponyme. Armand, c’est une vie hors du commun parsemée d’aventures et d’expériences vraiment pas comme les autres. Depuis ses débuts au célèbre Lido jusqu’à l’ouverture de son restaurant dans la capitale cambodgienne, l’homme se confie en détail sur son parcours atypique.

Armand chez Armand
Armand chez Armand

Parle-moi de tes premières années au Cambodge...

Je suis né à Phnom Penh, le 6 janvier 1960. Il y a encore des photos de ma naissance. J’y ai passé toute mon enfance jusqu’à l’âge de 10 ans. En 1970, je suis rentré en France pour continuer mes études. Je me suis retrouvé à Thonon-les-Bains, où mon père, décédé quatre ans plus tôt, nous avait laissé un appartement en héritage.

La naissance du petit Armand
La naissance du petit Armand

Ce retour n’était pas en rapport avec la situation au Cambodge, il n’y avait pas encore de guerre civile.

1970, c’était la période du Sangkum. Toute ta famille était présente au Cambodge ?

Oui, ma sœur unique et ma mère. Elle avait quitté le royaume dans les années 1950 pour poursuivre, avec sa sœur, des études à Notre-Dame de Sion. C’étaient les premières Cambodgiennes inscrites dans cet établissement, elles étaient filles de ministre.

En famille
En famille

À son retour, ma mère avait acquis quelques talents, comme celui de jouer au piano par exemple. Mon papa, Armand Gerbie, a fait sa connaissance dans une soirée mondaine. C’est aussi dans ce genre de soirée qu’elle a rencontré Marcel Camus, qui cherchait alors une actrice principale pour son film l’Oiseau de paradis. Après avoir filmé le Brésil avec Orfeu Negro, il avait décidé de tourner au Cambodge, je crois que c’était en 1962.

Et à 10 ans, tu pars donc à Thonon-les-Bains avec ta famille. Comment s’est passée cette transition ? Tu as dû être assez dépaysé…

Oui, complètement ! Mais je connaissais déjà un peu la France, puisque nous nous y étions rendus durant quelques mois, en 1967, pour régler la succession de mon père. Avant son décès, il travaillait pour Pierre Messmer, qui était à l’époque ministre de la Défense, sous De Gaulle. Il vendait des armes pour le Vietnam. Il partait pour plusieurs mois, et je me souviens de l’avoir vu parfois en coup de vent à l’aéroport de Pochentong. Il appelait ma mère, lui demandait de venir avec les enfants, nous embrassait et son avion repartait.

« À force de discussions, il a fini par promettre à ma mère d’arrêter son travail, puisqu’il n’avait de toute façon plus vraiment besoin de s’enrichir »

Il est mort six mois plus tard. Nous avons reçu un télégramme nous l’annonçant deux semaines après son décès, alors qu’il était déjà enterré. Son coffre et ses comptes en banque étaient vides, alors qu’une petite fortune aurait dû s’y trouver. Son associé s’est contenté de nous offrir une boite de chocolats.

Quant aux avocats censés nous défendre, tous ont mystérieusement abandonné au bout de seulement quelques semaines. Ce séjour a été surprenant : la tombe de mon père n’était qu’un modeste tas de terre, avec une croix en bois posée de travers. L’hôpital où il est mort, d’un cancer du poumon, était fermé depuis 10 ans. Une vraie histoire de polar.

Ta famille et toi repartez ensuite pour le Cambodge, et revenez en France en 1970, c’est bien ça ?

Oui, ma mère n’avait pas prévu de rester très longtemps en France, mais 1975, avec l’arrivée de Pol Pot, a changé la donne. Nous y sommes finalement restés 21 ans.

Quelles étaient tes ambitions de jeune homme ?

Je voulais faire du cinéma ! Ça n’aurait pas été très difficile si la situation au Cambodge était restée stable, c’était du moins l’avis de ma mère. Ceci dit, elle m’imaginait plutôt avocat, pour pouvoir plus tard défendre la succession de mon père.

« Mais je n’avais pas trop la tête aux études. Mes amis, qui me surnommaient ''Le Chinois '', étaient plus âgés et n’étaient pas très fréquentables, ce qui causait pas mal d’inquiétude à ma mère »

Pour m’empêcher de faire trop de bêtises, elle a eu l’idée de m’emmener à Paris, mais c’était pire ! J’avais 16 ans, c’était en 1976 et j’ai découvert les discothèques. De son côté, ma mère était, de par ses relations familiales et amicales, en très bons termes avec certains membres de la famille royale. Dont la princesse Bopha Devi. Je me suis plus tard marié avec sa fille, Kalyan, rencontrée à Paris. Après être sortis ensemble pendant 3 ou 4 ans, Norodom Sihanouk a insisté pour que nous nous mariions. J’avais 19 ans, c’est le roi qui nous a mariés et nous vivions dans un magnifique appartement du boulevard Haussmann.

Mariage princier
Mariage princier

Un an plus tôt, j’avais eu mon Baccalauréat, mais aucune motivation pour poursuivre les études. Je voulais ouvrir une discothèque, ce qui a surpris ma mère. Mais elle m’a pourtant aidé à concrétiser cette ambition, en me présentant l’une de ses connaissances, Joseph Clerico. Mon père et lui s’étaient connus à la guerre et, surtout, il était propriétaire du Lido et du Moulin Rouge.

Lorsque je l’ai rencontré, j’avais la volonté de fonder mon propre établissement et, après un bref questionnaire, il m’a proposé… de rentrer comme commis au Lido. « Tu ne connais encore rien au métier, il faut que tu apprennes. Tu deviendras ensuite chef de rang, puis grimperas les échelons et un jour tu seras directeur. » Quand ça, osais-je lui demander ? « Oh, quand tu auras dans les 35 ans. » 35 ans ! Dire ça à quelqu’un qui en a 18, cela me paraissait une éternité.

Armand de nos jours, devant son bistro-restaurant
Armand de nos jours, devant son bistro-restaurant

Mais j’ai quand même commencé à travailler au Lido et y suis resté 12 ans, au cours desquels j’ai appris beaucoup de choses. Pas seulement au niveau professionnel mais sur la vie, aussi. Le show-business, la corruption, l’amitié, la trahison, le spectacle… J’allais passer maître d’hôtel lorsque j’ai rencontré une meneuse de revue australienne, qui est ensuite devenue mon épouse.

Une grande partie de la vie d'Armand affichée sur les murs du restaurant
Une grande partie de la vie d'Armand affichée sur les murs du restaurant

Nous sommes allés vivre dans son pays, où j’ai passé 18 ans. Trop âgée pour continuer la danse (30 ans !), elle est devenue hôtesse de l’air et moi, chef de rang au Hilton de Sydney.

« Je n’ai pas été nommé tout de suite à ce poste, au contraire : on m’a bien fait comprendre que Lido ou pas Lido, je n’avais aucune expérience avec la clientèle anglo-saxonne et qu’il me faudrait repartir de zéro, ce que j’ai fait »

À 31 ans, je redevenais commis, mais grimpais les échelons en quelques mois. J’ai ensuite rejoint le Ritz, toujours à Sydney, en tant que directeur de restaurant, avant d’ouvrir mon propre établissement en 1996, après notre divorce.

C’était un café-restaurant qui marchait très bien, et situé juste à côté des studios de la Fox. Ce qui m’a permis de compter parmi ma clientèle des célébrités telles que Val Kilmer, Georges Lucas, Laurence Fishburn… J’ai même été figurant dans Matrix, grâce à Keanu Reeves, qui est devenu un grand ami et qui est quelqu’un de bien.

En 2000, je suis revenu au Cambodge. J’avais 36 ans et menais alors la belle vie en Australie, mais sur un rythme qui n’était pas très sain. Deux jours après mon arrivée, le roi Sihanouk me recevait au Palais.

Comment s’est passée la redécouverte d’un pays que tu avais quitté depuis 26 ans ?

J’ai été déçu, car je m’attendais à retrouver le Phnom Penh que j’avais connu. En 1996, il y avait de la boue de partout dans les rues qui n’étaient pas éclairées, le pays n’était pas encore remis de la guerre.

Au bout de quatre mois, je suis rentré en Australie pour ouvrir une société de conciergerie de luxe, mais je retournais de plus en plus fréquemment au Cambodge.

« Le pays m’attirait, et puis il y avait aussi les retrouvailles avec la famille et la belle-famille, dont je suis resté proche »

En décembre 2007, j’ai décidé de revenir pour de bon. J’ai fondé cet établissement, et ça a marché tout de suite. Et ça marche toujours d’ailleurs. J’ai repris des plats que j’aimais beaucoup en France, comme le chateaubriand, que j’avais découvert au Lido, la soupe à l’oignon comme à Saint-Germain… Si je me suis spécialisé dans la viande, c’est parce que j’aime ça, mais aussi parce que ma cuisine n’est pas très grande, il faudrait agrandir, mais je n’en ai pas envie, puisque tout le monde est content comme cela.

La spécialité d'Armand : flamber
La spécialité d'Armand : flamber

Quand on veut manger une viande, on vient chez Armand. À moi de faire en sorte que tout aille avec, le service, l’atmosphère, l’ambiance et le show. Le flambage de la viande y fait beaucoup, c’est même devenu ma spécialité.

Tu as tout de suite trouvé ta clientèle ?

Pour quelqu’un de timide, qu’est-ce que ça représente, de faire le show ?

C’est quelque chose que je faisais moi-même au début, mais j’ai cédé la place au personnel pour aller plutôt discuter avec les clients. Je suis toujours au coin du bar et surveille tout. Il y a toujours quelqu’un pour me rejoindre et passer du temps avec moi.

Comment se sont passées ces deux années de Covid ?

Il a fallu s'adapter, et il y a eu bien entendu des pertes financières. Et puis, très peu de personnes commandent des plats à emporter qui coûtent 30 dollars, encore que cela arrive de temps en temps.

Et il faut garder le standard. Mais après deux ans, ça va mieux, la preuve, nous sommes toujours ouverts ! Je marche bien avec la clientèle qui m’aime, c’est l’essentiel.

En cuisine
En cuisine

Et en dehors de ton activité professionnelle, quelles sont tes passions ?

La musique. J’adore la musique, de toutes sortes, à part le hip-hop. En ce qui concerne les instruments, j’aime bien la batterie, le rythme est quelque chose de très important. Les autres passions… Disons la fête, les femmes… Je suis un homme de la nuit, toute ma carrière s’est déroulée de nuit.

Si aujourd’hui je te demandais quel est ton meilleur souvenir, que me répondrais-tu ?

Mon meilleur souvenir, c’est le Lido. Tout se mélangeait, on vivait ensemble, on se critiquait, on s’engueulait, mais en fin de service, on se retrouvait tous en discothèque, pour après aller manger aux Halles avant d’aller se coucher et de remettre ça le lendemain.

Pratiques-tu un sport pour être autant en forme à plus de 60 ans ?

Absolument pas, je travaille, je dors peu, je sors beaucoup et j’aime les bonnes choses la vie, pas besoin de sport (sourire).

Propos recueillis par Christophe Gargiulo

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