Malgré la saison des pluies, accompagnée de vents violents et de vagues géantes, la pêche aux crabes continue de répondre à la demande dans tout le Cambodge.
En moyenne, plus de cinq tonnes de crabes bleus (Portunus pelagicus), connus localement sous le nom de Kdam Ses, sont pêchés chaque jour par les pêcheurs au large des côtes pour être vendus aux grossistes et aux détaillants du pays.
Selon les recherches scientifiques menées dans le secteur , un crabe femelle produit plus d’un million d’œufs, le taux de survie des crabes adultes se situe à 40 %. Cependant, de trop grosses prises pourraient un déclin des ressources de Kdam Ses au Cambodge et conduire à son extinction dans les années à venir si aucune protection adéquate n’est mise en place.
Banque de crabes
Heureusement, un projet de banque de crabes, mis en place en 2008 par 28 communautés de pêcheurs dans des provinces côtières de Kep, Kampot, Preah Sihanouk et Koh Kong, a permis de garantir un approvisionnement durable en kdam ses du Cambodge.
La « banque de crabes » a-t-elle réellement contribué à l’augmentation des ressources en crabes ? Quelles sont les responsabilités des pêcheurs côtiers pour garantir un stock suffisant à tout moment ?
Chak Vineath, directeur de l’Administration des pêches (FiA) du cantonnement provincial de Kep, explique que l’idée de la banque de crabes est née au Japon au milieu des années 1980. Cette initiative vise à augmenter le rendement naturel des crabes en vérifiant la durabilité des ressources là où les crabes femelles peuvent pondre leurs œufs avant d’être capturés.
Pour sauvegarder les ressources marines et assurer la pérennité de leurs moyens de subsistance, chaque communauté de pêcheurs doit déployer autant de drains artificiels dans les zones de conservation des herbiers marins, qui servent d’« habitats cachés » aux crabes, poissons et autres espèces marines pour se reproduire.
En supposant qu’il y ait un don de 1 000 crabes femelles avec des œufs, si chaque communauté de pêcheurs reçoit un don de 1 000 crabes femelles avec des œufs chaque année, cela contribuera largement à augmenter le stock.
« Lorsque les bébés crabes ont plus d’une semaine, ils sont relâchés dans les zones protégées, nous pouvons donc espérer avoir au moins 30 millions de crabes par an », explique Vineath.
Fonctionnement
À Kep, trois communautés de pêcheurs — la communauté de Phum Thmey, celle des pêcheurs d’Angkor et celle d’O’Krasa — ont établi ensemble des projets de banques de crabes.
Vineath mentionne trois types de méthodes utilisées par les communautés pour augmenter les stocks. Il s’agit du don de crabes, de l’achat de crabes femelles avec leurs œufs et de l’octroi de crédits.
Les membres de la banque communautaire de crabes sont sélectionnés en fonction de leurs compétences en matière de pêche, de leur capacité de remboursement et de leur volonté de fournir un crabe femelle avec ses œufs tous les deux ou trois jours.
Prak San, président d’une banque de crabes dans la communauté de Phum Thmey, explique que depuis 2008, la communauté compte 28 familles qui ont participé au projet, qui est soutenu par CORIN, la FAO et l’UE.
Les membres doivent faire don de 10 à 15 crabes femelles avec œufs par mois. Les œufs éclos sont relâchés dans les zones de conservation des herbiers marins de la communauté.
Depuis, les rendements en crabes ont considérablement augmenté. « Les stocks ont augmenté de façon remarquable, car nous relâchons chaque année des millions de juvéniles qui éclosent dans les zones de conservation des herbiers marins », explique M. Prak.
« Auparavant, un bateau de pêche pouvait attraper environ 10 kg de crabes par jour en utilisant 1 000 pièges à appâts, mais aujourd’hui, il peut en rapporter près de 15 kg avec le même nombre de pièges », ajoute-t-il.
Tith Rin, président de la communauté de pêcheurs de Trapeang Ropov dans la commune de Prek Tnort, province de Kampot, confie que les pêcheurs qui ont rejoint le projet sont autorisés à emprunter entre 500 000 riels et un million de riels (125 $ et 250 $).
La période de remboursement est de six mois à un an, sans intérêt, mais les membres sont tenus de donner quatre à six crabes femelles avec œufs par mois, en fonction de la somme empruntée à la communauté.
« Nous gardons ces crabes femelles avec leurs œufs afin qu’elles puissent pondre et que les bébés soient relâchés dans les zones de conservation des herbiers marins et des coraux de la communauté.
« Les crabes femelles sont nourris pendant une semaine après avoir pondu leurs œufs et sont ensuite vendus pour soutenir la communauté », explique Tith.
Les crabes mettent une à trois semaines pour pondre leurs œufs, en fonction de la couleur des œufs :
« Si les œufs sont de couleur jaune, cela signifie qu’ils sont encore jeunes et qu’il leur faut environ trois semaines pour éclore. S’ils sont jaune foncé, il leur en faut deux pour éclore. Les œufs de couleur grise éclosent en une semaine, tandis que lnoirs prennent trois à cinq jours », précise-t-il.
Pendant la mousson
Actuellement, le temps orageux est défavorable aux pêcheurs, en particulier à ceux qui possèdent de petits bateaux, en raison des vents forts et des vagues qui mettent leur vie en danger.
Cependant, pour répondre à la demande locale et pour l’exportation, la pêche aux crabes se poursuit. De grandes quantités de Kdam Ses sont pêchées, l’approvisionnement dans la seule province de Kampot pouvant atteindre deux tonnes par jour.
Kong Choy, 56 ans, Pêcheur dans le village de Roluos confie que les pêcheurs qui osent prendre le risque d’attraper des crabes pendant la saison des pluies peuvent en attraper beaucoup et les vendre à un prix élevé.
« Pendant cette saison, peu de pêcheurs sortent, car ils ont peur des vents forts et des grosses vagues qui peuvent renverser leurs bateaux. Mais ceux qui sont courageux peuvent revenir avec un bon butin et vendre les crabes entre 30 000 et 60 000 riels par kilogramme », dit-il.
Kem Da, 51 ans, vendeur de crabes au port de Kandal, situé à seulement 300 m de l’hôtel de ville de Kampot, confirme que depuis la création de la banque de crabes, l’approvisionnement en Kdam Ses dans toute la province demeure suffisant. Tout excédent est vendu aux grossistes des autres provinces.
« Malgré la saison des pluies, qui a rendu difficile pour certains pêcheurs d’aller pêcher loin, nous avons toujours un approvisionnement suffisant », dit-elle.
Kampot
Le directeur des Pêcheries de Kampot, Sar Sorin, mentionne qu’il existe huit communautés de pêcheurs dans la province avec des banques de crabes qui fonctionnent bien. Chaque année, plus de 1 000 kg de crabes femelles avec leurs œufs, soit 10 000 individus, sont collectés par la communauté pour être relâchés dans la zone protégée.
« La quantité n’est pas minime si l’on calcule le nombre d’œufs et le taux de survie. Nous devrions avoir pas moins de 300 millions de crabes par an qui sont autorisés à vivre naturellement dans les zones protégées des herbiers marins et des coraux de la province », déclare-t-il.
Sihanoukville retors
Van Srey Eng, vendeur de fruits de mer dans la commune de O’Chrov, province de Sihanoukville, précise que la demande de crabes a doublé ces cinq dernières années. Pour répondre aux besoins des clients, certains pêcheurs auraient violé l’interdiction de l’administration des pêches et l’accord avec les communautés de ne pas attraper de petits crabes pour les vendre sur le marché.
La capture de petits crabes et de femelles avec des œufs réduira le rendement des crabes, dit-elle, notant que c’est « la plus grande catastrophe ».
Grâce à un bassin à crabes de 10 mères sur 20 dans la baie de Veal Rinh, Van Srey Eng stocke les petits crabes et les femelles avec leurs œufs, qu’elle vend ensuite lorsqu’ils sont gros.
« Je fais également don de quelques crabes femelles aux banques de crabes de la communauté sur l’île de Koh Kong et à Veal Rinh pour qu’elles soient relâchées et vivre naturellement. J’en garde aussi pour moi afin de les vendre aux clients quand ils sont gros », dit-elle.
Koh Kong
Dans la province de Koh Kong, Pheng Cheng, chef de la communauté de pêcheurs de Chroy Praos, raconte que seuls les petits crabes sont capturés pour le moment, car la plupart des pêcheurs ont peur de sortir en mer en raison des conditions dangereuses. Cependant, ceux qui ont de gros bateaux vont parfois pêcher en haute mer près des îles où ils peuvent attraper de grandes quantités.
En raison de la baisse des prises pendant la saison des pluies, l’approvisionnement en Kdam Ses dans la province de Koh Kong n’est pas toujours suffisant. Pour cette raison, les habitants de Koh Kong préfèrent consommer des Kdam Thmor (Scylla serrata), car ils sont abondants et moins chers.
« Mais de novembre à juin, ils se tournent vers le Kdam Ses, surtout pendant la saison sèche, car ce crabe contient beaucoup de viande et de graisse », explique M. Pheng.
Khouth Sophak Chakrya avec notre partenaire The Phnom Penh Post
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