Parmi les mets « étranges » consommés en Asie Orientale, l’un de ceux qui fera le plus hésiter le gastronome occidental même le plus intrépide, est sans doute ce que l’on appelle, du mot issu du tagalog, le « balut ».
Le « balut », appelé en Chine 毛蛋 máodàn (littéralement « œuf poilu ») ou pong tie kon (ពងទាកូន, littéralement « bébé œuf de cane ») au Cambodge, est un œuf, qui peut être de cane ou de poule, fertilisé et partiellement développé. Pour être tout à fait clair, le « balut » est un embryon de poulet ou de canard. Ce mets est connu dans de nombreux pays d’Asie Orientale : Chine, Philippines, Vietnam, Thaïlande, Cambodge. C’est d’ailleurs avec des amis vietnamiens de Paris que j’ai eu la première fois l’occasion d’y goûter. J’en ai également essayé la version chinoise, dans un restaurant de la banlieue de Suzhou. Ce n’est certes pas l’une des mes friandises préférées. Le balut est considéré par certains comme un mets excellent, qui aurait des vertus aphrodisiaques et serait très riche. D’autres considèrent au contraire qu’il s’agit d’un mets des plus suspects, susceptible d’être contaminé par différents micro-organismes nocifs pour la santé humaine, et cause de divers problèmes hormonaux. On a rapporté en Chine de nombreux cas d’intoxication au balut. Les œufs fertilisés sont laissés à développer pendant une période variant, selon les régions, de 14 à 21 jours. Ils sont ensuite cuits à l’eau, et peuvent être dégustés tels quels, dans leur coquille, ou bien accommodés de différentes façons : grillés en brochettes, sautés, etc.
Ils sont le plus souvent agrémentés tout simplement de sel, mais aussi parfois de jus de citron vert, de poivre ou d’herbes aromatiques (en particulier Polygonum odoratum, appelée coriandre vietnamienne, ou, en khmer, « herbe à balut » : ជីរពងទាកូន, connue aussi sous le nom de ជីរក្រសាំងទំហំ). Les baluts sont le plus souvent vendus par des vendeurs de rue ambulants, et se consomment en général accompagnés de bière.
Selon la date à laquelle la gestation de l’œuf a été interrompue, le balut aura une consistance très différente : à 14 jours, le caneton est à peine formé, et ne possède ni bec, ni plumes, ses os sont à peine remarquables sous la dent. À l’inverse, à 21 jours, le gourmand remarquera facilement la présente des plumes, des os et du bec. Si la production des baluts reste surtout artisanale, des tentatives d’industrialisation de la fabrication ont été faites, en particulier aux Philippes, où un fabricant propose des baluts en pots.
Par et avec l’aimable autorisation de Pascal Médeville – Sinogastronomie
Comments