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Ancre 1

Cambodge & Hommage : Un sergent fidèle, mémoire d’un père disparu

Dans la lumière tranquille du village de Mondol 3, à Siem Reap, naquit Poun Sanya, deuxième enfant d’une famille de quatre. Sa vie s’écoule aujourd’hui à Kandal, loin des montagnes de son enfance, mais son cœur reste habité par le souvenir d’un homme disparu trop tôt : son père, Kim Sam-At, adjudant-chef de la 3e Brigade d’intervention des Forces armées royales cambodgiennes.

 Kim Sam-At, adjudant-chef de la 3e Brigade d’intervention des Forces armées royales cambodgiennes
Kim Sam-At, adjudant-chef de la 3e Brigade d’intervention des Forces armées royales cambodgiennes

Son nom résonne encore dans les collines de Preah Vihear, là où il tomba sous un bombardement thaïlandais, en accomplissant son devoir. Il avait cinquante-cinq ans, et jusqu’à la fin, la loyauté guida ses pas.

Sanya se souvient. Trois mois avant le conflit, son père gardait la ligne, entre fidélité et fatigue. Un jour avant la bataille, le soldat descendit de la montagne sur une moto empruntée. Sa jambe, enflée de douleur, lui rappelait sa faiblesse d’homme, mais la mission, elle, lui rappelait son serment. En chemin, il aperçut sa fille.

« Reste ici, père, soigne-toi, ta jambe souffre trop », lui dit-elle d’une voix inquiète. Il répondit doucement : « Le commandant ne m’a accordé qu’un jour. Demain, je dois remonter. »

Elle insista, lui parla du repos qu’il refusait. Mais son père, soldat avant tout, ne voulait ni fuir son poste ni abandonner ses compagnons d’armes. Ensemble, ils partagèrent un repas, quelques sourires, des mots simples, sans savoir que c’était leur dernier adieu.

Le 23 juillet, Sanya monta le voir au temple de Preah Vihear. En tant qu’agent du tourisme, il travaillait non loin, dans ce lieu sacré. Son père lui glissa, presque prophétique : « Prépare-toi, les Thaïlandais ne sont pas tranquilles. »Le lendemain, à l’aube du 24 juillet, la montagne s’embrasa. Le premier obus tomba à 9 h 20. Le tonnerre de la guerre éclata au-dessus du sanctuaire. Sanya, poussé à fuir, se réfugia dans un abri, isolé pendant deux nuits et trois jours, entre le feu et la peur.

Le 25 juillet, il fut évacué à pied avec huit compagnons, marchant sans répit vers la vallée. Le 26, ils atteignirent Koh Ker, puis Wat Por des 5000 arbres, où l’attente devint silence.

Le 27 au matin, la nouvelle le frappa droit au cœur. Son père n’était plus. Il avait quitté son abri pour chercher un peu de nourriture. À peine avait-il porté une bouchée de riz à sa bouche que la mort l’avait trouvé. Un obus l’avait frappé à la tête, un autre à la poitrine. Ses camarades, impuissants, ne purent que se terrer, alors que la montagne tremblait encore sous les explosions.

Poun Sanya
Poun Sanya

Ce n’est que le 29 juillet que l’équipe put redescendre la dépouille, la ramenant dans la nuit vers Siem Reap. Ce soir-là, la maison familiale s’illumina de cierges et de prières. Villageois, soldats et autorités s’unirent dans un geste de solidarité silencieuse. Pourtant, dans le cœur de Sanya, aucune aide, aucun mot, aucune présence ne pouvait apaiser l’absence.

« Mon père n’avait que cinquante-cinq ans », murmure-t-il. « Les gens nous ont soutenus de tout cœur, mais rien ne vaut sa vie. Rien ne peut remplacer sa bonté. Je n’ai pas encore eu le temps de lui rendre ce qu’il m’a donné. »

Sur la montagne de Preah Vihear, le vent souffle encore entre les pierres anciennes. Peut-être y passe-t-il l’écho d’un sergent fidèle, d’un père parti trop tôt, que le devoir a emporté, mais que la mémoire refuse d’effacer.

Par Long AunTraduit du khmer par Chey Chansineth - Centre de Documentation du Cambodge (DC-Cam)23 octobre 2025

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