Il n’a que 33 ans, mais est déjà l’auteur d’une œuvre conséquente qui le classe parmi les meilleurs photographes du pays. L’exposition « How do I look ? », qui se tient jusqu’au 19 octobre à la galerie Batia Sarem, met en lumière tous les talents d’un virtuose qui ne cesse d’interroger son art.

Sovan Philong, l’art de la lumière
Les trois regards
A peine franchi le seuil de la galerie, une curieuse sensation s’empare du visiteur. Sur les murs, 15 portraits se dévoilent, hommes, femmes, enfants et vieillard posant devant un fond noir, éclairés par la seule lumière blanche d’un écran d’ordinateur. Le regard rivé sur l’objectif, et donc sur le spectateur, les sujets de ces Computer Lights Portraits formulent une interrogation ambiguë qui constitue le cœur de l’exposition.
Questions
Comment, en effet, interpréter son titre, « How do I look ? » : s’agit-il d’une question signifiant « A quoi est-ce que je ressemble » ? Ou bien de l’interrogation « Comment est-ce que je regarde » ? Baignant dans une clarté rappelant celle de la peinture classique, ces portraits révèlent une partie de l’âme de leurs modèles, tout en sachant préserver une large portion de mystère.

Sovan Philong
Distance et proximité se combinent afin de susciter un questionnement à propos des personnes ainsi portraiturées. Aucun sourire, aucune expression ne transparaît sur leurs visages, mais leurs yeux aimantent inéluctablement le regard. Des regards qui se mélangent, celui du modèle, du photographe et du spectateur, donnant lieu à un sentiment troublant propre aux grandes œuvres.

Oeuvres de Sovan Philong
Identités multiples
Effectuée en 2010, la série Computer Lights Portraits s’inscrit dans une démarche esthétique bien éloignée de la photographie de presse, que Sovan Philong pratiquait aussi à l’époque. Travaillant pour le Phnom Penh Post de 2009 à 2011, le photographe a souvent été amené à réaliser des portraits tâchant de dévoiler au plus près la personnalité de leur modèle. Le but recherché dans cette série prend le contre-pied de la « photo-vérité », suscitant ainsi plus de questionnements que de réponses.
Recherche
Cette recherche autour de l’identité a donné lieu à un autre travail, mené actuellement par l’artiste et dont trois pièces sont exposées à la galerie. « I.D. » rassemble, illuminées par l’écrin de boites à lumière, un patchwork de photos d’identité révélant la palette d’émotions pouvant traverser un visage en l’espace de quelques minutes. Une autre partie de la galerie est consacrée au bâtiment parisien de La Samaritaine, vide de tout occupant pour cause de rénovation.
Invité parmi 10 autres photographes à en saisir l’essence, Sovan Philong livre une vision originale de cette icône parisienne. Enfin, 6 écrans complètent cette exposition, diffusant de courtes séquences capturées à l’aide d’un simple téléphone portable. Prises à différents endroits du Cambodge, mais aussi à Genève, ces vidéos contemplatives démontrent que l’artiste n’est pas uniquement photographe, mais aussi vidéaste.
Un artiste bien entouré
Ayant suivi des études en technologies de l’information, l’artiste phnompenhois s’occupe dans un premier temps du département vidéo d’une association. Il effectue alors une rencontre déterminante en la personne de Mak Remissa. Âgé de 20 ans, Sovan Philong reçoit les conseils avisés de son aîné, qui l’encourage a développer son talent. Deux ans plus tard, en 2008, il dévoile ses premiers travaux à Christian Caujolle, directeur artistique du festival Photo Phnom Penh.
Personnalité incontournable du monde de la photographie, fondateur de la prestigieuse agence VU et directeur artistique des Rencontres Internationales de la Photographie d’Arles, Christian Caujolle discerne immédiatement le potentiel du jeune artiste, qui devient très vite un acteur majeur de la photographie cambodgienne.

Prestige
Publié par des magazines prestigieux tels que Le Monde et L’Express Styles, tuteur d’ateliers et commissaire d’expositions, Sovan Philong a atteint une renommée internationale avec sa série In The City by Night. Arpentant, la nuit, les rues de Phnom Penh et de Siem Reap au guidon de sa moto, l’artiste, éclairant ses scènes à la lueur de son phare, a su créer des œuvres qualifiées de « réalisme magique » ou de « fantastique social ». Avec, toujours, cette quête de la lumière révélatrice.

Oeuvre de Sovan Philong
« How do I look ? », sélectionnée par un Christian Caujolle resté très proche de l’artiste, constitue le troisième temps fort de la jeune galerie Batia Sarem. Toutes les photos présentées au cours de l’exposition sont en vente en tirages limités.
Texte et photographies par Rémi Abad