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Guillaume Narjollet est Conseiller de coopération et d’action culturelle et Directeur de l’Institut Français du Cambodge. A ce titre, à travers les programmes de coopération, c’est à lui et ses équipes de générer de futurs alumni, se posant ainsi au cœur de ‘’l’écosystème Alumni’’. Entretien et explications :
Guillaume Narjollet est Conseiller de coopération et d’action culturelle et Directeur de l’Institut Français du Cambodge
CM : Pouvez-vous nous préciser le rapport de votre service avec les Alumni ?
C’est généralement le Service de coopération et d’action culturelle (SCAC) de l’Ambassade de France qui est en charge de tous les programmes de mobilité (différents types de bourses), d’attractivité et d’aide au départ des étudiants car il représente l’opérateur national Campus France. L’animation du réseau des Alumni est également une attribution du SCAC et de l’Institut en lien avec les orientations du chef de poste diplomatique.
CM : Donc très concrètement quelle est votre mission auprès des Alumni, vous les détectez, vous leur proposez des programmes ?
Nous sommes le service ressource. Nous envoyons les étudiants en France, gérons les partenariats universitaires. Nous sommes donc en première ligne pour savoir qui sont les Alumni. Ces sont les services de coopération et d’action culturelle, et également l’Institut Français, qui gèrent ces dossiers en permanence. C’est donc nous qui sommes le plus à même de les identifier, c’est à nous que revient la charge de générer de futurs Alumni. Nous sommes au cœur de l’écosystème Alumni.
Ensuite, concernant l’animation et la structuration, du réseau France Alumni, nous sommes en première ligne. La stratégie est définie avec l’Ambassade qui donne des impulsions, des instructions mais cela se fait en étroite collaboration avec les services de coopération et d’actions culturelle et l’Institut Français.
CM : Prenons un exemple pour illustrer… Je suis un jeune cambodgien, j’ai 16-17 ans, je viens de passer mon bac et je veux partir en France pour faire des études, est ce que là vous intervenez aussi ?
Nous allons d’abord vous conseiller en fonction de votre intention de préparer un master 1 ou un master 2 voire un doctorat… Nous avons d’abord un rôle de conseil et d’information : Les espaces Campus France sont aussi des endroits à partir duquel il est possible de recueillir tout type d’informations pour partir étudier en France. Même si c’est avant la préparation d’un master ou d’un doctorat qui sont des niveaux sur lesquels nous envoyons des boursiers.
CM : Je vais passer donc mon doctorat, je reviens ici 4 ou 5 ans après et là, quelle est votre possibilité d’intervention directe ?
D’abord du conseil et de l’orientation car nous avons les contacts avec les établissements supérieurs, avec l’opérateur Campus France et, nous connaissons bien les filières. Ensuite pour ceux qui le désirent, et qui ont des dossiers éligibles, il y a les Bourses du Gouvernement Français (BGF) mais également d’autres programmes (Bourses EIFFEL, DFMS/DFMA, etc.).
CM : Mais au niveau inférieur, vous n’intervenez pas ?
Quelqu’un qui a un bac ou un bac+2 et qui vient nous voir, nous l’informerons des possibilités qui lui sont offertes. Sur l’aide à la mobilité ou sur les bourses, nous intervenons après les niveaux de licence. Il y a des choix stratégiques pour nous mais aussi pour les autorités cambodgiennes. Aujourd’hui, par exemple le Ministère de l’éducation, de la jeunesse et des sports du Cambodge, cherche à former en priorité des doctorants. Donc, nous sommes dans une démarche de coopération et nous cofinançons d’ailleurs des bourses pour doctorants avec le MEJS.
CM : Il y a donc une politique globale…
Tout-à-fait, nous avons une réflexion globale, qui se traduit par ce qu’on appelle le plan d’action de l’Ambassade. Ce plan d’action est un document qui définit un certain nombre de d’indicateurs, de priorités et des actions très précises.
CM: Avez-vous beaucoup de de demande par rapport à l’offre ?
Oui, la demande est repartie à la hausse sur ces deux dernières années. Je crois que nous avons effectué un bon travail de promotion. Au-delà de la promotion, il y a le travail que nous essayons de mener en direction du français comme langue dans l’enseignement supérieur. Et pour qu’il soit dans le supérieur, il faut qu’il existe aussi à minima, dans le secondaire. Et aujourd’hui au Cambodge en formation initiale, dans le supérieur, nous avons seulement l’Université Royale de Phnom Penh avec le département d’études francophones.
CM : Mais ça c’est obligatoire, il y a forcément des étudiants francophones.
Justement, ce qui est intéressant c’est que nous essayons aussi de nous adapter au monde moderne. Nous actons du fait que l’anglais est la grande langue internationale. Nous envoyons aussi des gens en France pour poursuivre des cursus en anglais dans quelques domaines spécialisés. Toutefois, on peut imaginer que de toute façon, étudiant en France, ils parleront français. C’est aussi un pari et la volonté du Président de la République, d’attirer des chercheurs, des étudiants, dans des domaines d’excellence.
CM : Quel est le pourcentage de réussite ?
Sur la centaine de boursiers que nous finançons il est plutôt bon. On se rend quand même compte que dans les filières scientifiques, on observe généralement un taux de réussite qui s’avère excellent. A rappeler qu’il y a une sélection assez poussée au moment de l’attribution des différentes bourses avec un jury spécialisé, cela minimise largement les risques d’échecs.
CM : Suivez-vous les boursiers ? Vous vous inquiétez un peu des notes, des conditions de vie ?
Nous avons des agents qui sont en prise directe et qui sont assez souvent sollicités, des étudiants leur écrivent, leur posent des questions …
CM : Mais le sens profond de la démarche est de créer une valeur ajoutée au pays, mais si la France investit pour former des gens de qualité, elle peut être aussi tentée de les garder…
Il y a une authentique démarche de coopération, je crois il est inutile de rappeler ce qu’a vécu le Cambodge, il est important de permettre à ce pays d’avoir gens de haut niveau, pour qu’eux-mêmes puissent, dans tous les secteurs, faire bénéficier leur entourage de ce qu’ils ont appris. Ensuite, il est important pour nous de maintenir le contact car, au-delà de l’aspect professionnel, il y a des liens particuliers qui se sont créés avec notre pays, des gens avec qui nous allons collaborer, des gens sur lesquels nous pourrons nous appuyer et aussi peut-être travailler.
CM: Quelque part vous voulez bâtir des racines pour l’avenir…
Exactement. Dans la coopération, notre objectif est de travailler sur le long terme. Nous vivons dans une époque où tout va très vite mais nous essayons de nous inscrire dans cette logique de coopération. Nous travaillons ainsi parfois pour un horizon que nous ne verrons peut-être pas.
CM : Justement, à titre personnel, cela n’est-il pas un peu frustrant de participer à l’avenir de gens que vous ne croiserez peut-être plus
Oui, bien sûr…Mais, par exemple, quand j’étais consul général au Kazakhstan, Nous avons envoyé des étudiants en France et le contact a été maintenu. Il y a, par exemple, une étudiante qui est maintenant journaliste en France et qui est venue nous rendre visite récemment. Oui, c’est vrai qu’on s’attache à des gens. Et, ce qu’il y a de bien dans cette mission, c’est de travailler avec l’humain. On arrive quand même à sortir du cadre formel de notre mission et à faire des rencontres. Ça, c’est quand même enrichissant, et nécessaire.
CM : Enfin, si je comparais les réseaux alumni américains très actifs et ceux de la France ?
Le lien entre les universités américaines et le marché du travail est plus ténu, plus efficace, plus opérationnel que celui qui existe dans les universités françaises et surtout plus ancien. Les choses évoluent cependant positivement en France mais il faut encore un peu de temps.
Propos recueillis par Christophe Gargiulo
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